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1 $ V O Y A G E tôt d’un spectacle si doux, j,e montai à cheval avec mon Klaas, et courus vers le lieu qu’indiquoit le bruit. Tous ceux de mes gens qui n’étoient pas occupés aux voitures se mirent à courir avec moi ; mon singe, mes chiens, tous ceux enfin de mes animaux qui étoient libres, partirent en même tems. Nous galoppions' tous pêle-mêle e’étoit à qui arriverait le premier. Cependant je me laissois précéder de quelques pas par mes bêtes , bien sûr que leur odorat et leur instinct me guideraient par la route la plus courte. Les aboiemens , les cris , la joie et les transports de ce groupe galoppant ressembloient plus à une bacchanale qu’à une caravane de voyageurs affamés.. Je jouissais, à moi seul, du plaisir de tous. Mille sentimens confus m’agitoient à la fois, et mes yeux involontairement se remplissoient de larmes. Peu ¿.’hommes sur la terre ont eu à souffrir, des peines pareilles aux miennes ; mais peu d’hommes aussi ont éprouvé des plaisirs aussi vifs. Mon premier mouvement, en arrivant à. l ’eau , fut de m’y jetter aussitôt, afin de me rafraîchir, en même tems que je boirais. C’étoit satisfaire à la lois deux besoins très-pressans ; et mes gens, ainsi que tous mes animaux, en firent autant. Le fleuve offrait un coup-d’eeil majestueux ;_ et en effet sa largeur , dans les endroits de son cours les plus resserrés, étoit celle qu’a la Seine lorsqu’elle entre dans Paris. Cependant, à juger de sa hauteur ordinaire par une grève de deux cents pas qu’en ce moment il laissoit à découvert, il devait ayoir baisse considérablement, par l ’effet de la sécheresse. Aussi voyoit-on s’élever au- dessus de ses eaux beaucoup de roches, qui sans doute se trouvoient couvertes lorsqu’il étoit dans son plein. Ses bords, dans une grande largeur , étoient garnis d’arbres de différentes espèces, et en telle quantité qu’ils y formoient une sorte de forêt. C’étpiënt des mimosas, des ébéniers, nommés parles indigènes sab ris, des abricotiers sauvages dont les fruits éga- loient en bonté’nos. abricots d’Europe ,, diverses sortes d’arbres ; e t, en arbustes, une espèce de saule,, remarquable par un fruit en grappe et. que noua nommâmes raisins sauvages. Tout cela étoit E N A F R I Q .U E. *9 peuplé par une infinité d’oiseaux dont les chants ne m etoient point encore conpus. J ’étois ravi de joie en conteniplant ces différens objets. Je m applaudissais de m’être déterminé à cette route, en rejettant l ’idée d’en chercher Une par l ’est; et déjà je me berçois de l ’espoir d’enrichir tout à coup, et considérablement, toutes mes collections. Cependant je cherchois, pour l ’emplacement de mon camp, un lieu qui eût des pâturages frais ; et par-tout je n ’appercevois au loin que des herbages brûlés. Klaas, que j ’envoyai à la découverte , revint tn’annoncer qu’il n’en avoit point trouvé d’autres. Schoenmaker lui - même -et Klaas Baster, quand ils furent arrivés , s’étonnèrent de l’état où étoit ce rivage qu’ils m’avoient représenté sous des couleurs si avantageuses, et ils en attribuèrent le changement à la sécheresse qui avoit régné pendant la saison pluvieuse ; sécheresse telle que dè mémoire d’homme on n’en connoissoit point une pareille. Il s’ensuivoit de ces observations que j ’avois fort mal pris mon tems pour voyager ; mais les regrets ne me fournissoient pas un remède à ma situation , et il m’en fallait un. Dans l ’état de fatigue et de' foiblesse où étoient nos animaux, je ne pouvons guère songer à leur faire traverser la rivière : ils y auraient tous péri ; et fi’ailleurs la rive opposée ne paroissoit pas offrir plus de fouragé que celle, où nous nous trouvions. Ma seule et dernière, ressource étoit donc de faire chercher -de nouveau un canton qui fût moins brûlé. J ’envoyai tout mon monde à.la recherche ; et vers le soir on revint m’en annoncer un où l ’herbe des Boschjesman eioit un peu moins desséchée qu’ailleurs. Il est vrai qu’il fallait deux heures aux bestiaux pour s’y rendre ; mais n’ayant point à choisir, je me vis forcé , pour quelques jours au m o in s d ’user de ce secours, tout pénible qu’il étoit; et en conséquence jse réglai que tôus les matins huit fie mes gens, bien armés, iraient conduire le troupeau et le rameneroient le soir. ITne fut pas nécessaire d’y envoyer mes chevaux. Le fleuve- nourrissoit en quelques endroits une sorte de roseaux dont ils mangeoient aveo grand, appétit les sommités et les C a


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