Page 135

27f 82-2

offroit de très-bonne eau pour la troupe et d’excellens pâturages pour nos bestiaux. Pendant qu’on dressoit le camp , je m’amusai à remonter le ruisseau , pour jouir de l ’agrément de ses bords. Après quelques détours, j ’arrivai à une roche creusée en grotte, dans laquelle il prenoit sa source. Son eau fraiche et limpide en remplissoit la capacité et y for- moit bassin. Excédé de fatigue et de chaleur, . je ne pus résister au plaisir d’y prendre un bain. Ce soulagement me rafraîchit et me soulagea ; et je sortis après avoir gravé mon nom sur cette roche vierge', qui , avant moi peut- être , n’avoit encore été visitée par aucun être humain. Dans la nuit, les Houzouânas accourûrentà ma tente avec de grandes démonstrations d’allégresse, pour m’annoncer qu’ils venoient d’appercevoir enfin les signaux de leurs camarades.-Effectivement ils me montrèrent, à l ’horison, vers le nord-ouest , des feux qu’ils, disoient être ceux d’une de leurs hordes , et à laquelle ils venoient de répondre par les leurs, que le surlendemain dans la nuit ils se rejoindroient à elle. Si ma troupe eût été moins nombreuse, je me serois fait un plaisir de rester huit jours sur ce joli ruisseau et près de cette grotte si fraiche qui m’avoit tant plu. Mais la plupart de mes gens étoient pçessés de retourner chez eux. Ce fleuve qu’ils avoient en perspective aiguillonnoit leur impatience ; et le matin, ils montrèrent , pour partir, la même ardeur qu’ils avoient montrée, la ve ille, pour rester près du ruisseau. Je consentis donc au départ ; et vers le midi, nous nous trouvâmes sur les bords de la rivière tant désirée, sans que , dans cette traverséesi pénible des montagnes, il nous fut arrivé le moindre accident. Ce fut-là que les Grands Namaquois commencèrent à respirer et à se remettre de leurs frayeurs. Le premier jour de notre traversée, ils avoient gardé un morne silence ; tristes et pensifs, comme si on les eût conduits à,la mort. Le second, quand ils eurent apperçu la plaine , ils se déridèrent un peu , et je les vis montrer as6ez d’assurance pour se parler à l ’oreille. Mais lorsqu’arrivés au fleuve, ils respirèrent leur air natal et revirent les contrées qu’ils connoissoient, alors leur gaieté et leur sécurité s’épanouirent tout à fait ; ils recouvrèrent pour la première fois la parole et le maintien. On eût dit que sur- leur palier ils ne craignoient plus ces terribles Hou- aouânas , dont la société les avoit tant fait trembler. Le lendemain matin, ceux-ci me prévinrent qu’ils alloient se retirer et rejoindre leurs camarades. Je n’avoisplus rien à exiger d’eux; leur promesse étoit remplie. Cependant, je ne voulois pas laisser partir ces guides intrépides et fidelles, sans leur donner quelque témoignage de ma reconnoissance et de ma satisfaction ; mais j ’ér tois indécis sur ce qui leur serait le plus agréable. Ma provision de tabac étoit tellement épuisée que , depuis quelque tems, j’étois obligé de mettre, dans mes distributions, la plus sévère économie; et d’ailleurs, c’est-là une privation à laquelle ces hommes sobres, par leur vie errante et leur éloignement des colonies , sont tellement accoutumés qu’elle ne leur coûte point. Pour dès verroteries, ils s’en soucioient peu. L ’objet qu’ils eussent recherché de. préférence , étoit un couteau ; mais il ne m’en r es toit guère qu’une demi-douzaine; et par conséquent chacun ne pouvoit avoir le sien. Je me proposai donc de leur en distribuer quatre; et afin que personne ne fût mécontent, j ’annonçai que j’allois faire tirer au n o ir, et que les quatre tireurs dont la flèche approcheroit le plus près du b u t, auroient chacun un couteau. Cet exercice devenoit pour ma caravane une sorte de fête. Moi- même , indépendamment de l’amusement que je me promettois d’y trouver, j’allois apprendre jusqu’à quel point étoit redoutable l ’adresse des Houzouânas à manier leurs armes; et je laissois dans leur mémoire un événement qui pendant long-tems devoit leur doiiner lieu de parler de moi,, et de me faire connoître à leur nation , s i , comme jé l’espérois, je devois retourner chez elle. Ma proposition fut reçue avec acclamation. Il n’y eut que l’Hot- tentot qu’elle parut mécontenter, parce que se sentant tireur moins habile, il désespéroit d’obtenir un des prix. Si j ’avois éprouvé de bons offices de la part des Houzouânas, c’étoit plus à leur carac - \


27f 82-2
To see the actual publication please follow the link above