Ma demande ne pouvoit manquer de leur plaire, puisqu’en les mettant à portée de me faire arriver au fleuve par le chemin le plus court, elle les acquittoit plus promptement envers moi, èt leur ren- doit la liberté d’aller retrouver leurs camarades et de continuer leur marche. Ils me répondirent que de l’autre côté des montagnes que nous avions à dos, couloit le fleuve; que si je voulois me fier à eux et me résoudre à traverser la chaîne, ils répondoient de me conduire en deux jours sur ses bords ; qu’ils connoissoient des défilés par lesquels ils se chargéoient de faire passer mes équipages ; et que, dès la première journée peut-être , ils me mettroient à portée d’apprécier s’ils sâvoient tenir leur parole. Pour moi , qui jusqu’à ce moment les avois toujours trouvés fidelles, je ne doutois nullement de leur bonne foi, et j ’étois résolu à m’abandonner à leur conduite avec la plus parfaite confiance. Mais il n’en étoit pas ainsi de ma troupe. Elle prit l ’alarme et se crut perdue ; et ce furent encore les Grands Namaquois qui les premiers sémèrent la terreur : nation timide , incapable d’aucun secours dans un danger, et toujours prête à s’effrayer de celui qui n’existoit pas encore. Ces feux particuliers que tous les soirs les Houzouânas allumoient sur les hauteurs , avoient sans cesse été pour - eux un objet de crainte. A les entendre, c’étoient des signaux faits pour appeler d’autres brigands et pour leur donner connoissance du moment où ils devoient nous attaquer. Ce moment approchoit, disoient ils ; et c’étoit après nous avoir engagés et perdus dans des défilés impratiquables, qu’on alloit nous massacrer tous, l ’un après l ’autre. Quoique ces terreurs me parussent extravagantes, cependant je n’avois, pour les combattre, que: des préventions favorables. D’ailleurs, avant d’entreprendre une marche très-hasardeuse, et dont les dangers, ainsi que les difficultés, nous étoient inconnus, il- étoit de là prudence de savoir si je pouvois encore compter sur quelques uns de mes gens, et si les terreurs que manifestoientles Namai- quois étoient générales. , Je crus donc sage d’interroger Klaas ; Klaas, le plus fidelle et le plus sensé de tous mes gens, et à ce titre ; devenu mon conseil et mon ami. Je lui demandai si , vivant parmi les Houzouânas et se trouvant sans cesse à portée de les observer, il n’avoit rien vu qui put m’inspirer quelque défiance sur leur proposition, et si je ne devois point craindre que , par leurs signaux, ils ne se fussent entendus avec leurs camarades pour nous attirer dans les montagnes et nous égorger, sans peine, quand ils nous y auroient dispersés. Klaas, bien loin d’être intimidé , cherchoit plutôt à me rassurer moi-même. Il m’observoit, avec raison, que les Houzouânas, par la conduite qu’ils avoient tenue jusqu’alors, mohtroient assez n’avoir conçu aucun projet perfide ; qu’ils marchoient toujours avec nous, plutôt dispersés que réunis ; qu’ils étoient les premiers à soigner mes bestiaux, à porter des secours même à mes gens , soit en partageant leurs services dans mon camp , soit en bravant les plus grandes fatigues pour aller chercher de l’eau , dans des outres , sur les rochers les plus escarpés; qu’enfin ces feux , qui alar- moient si fort ma troupe, n’étoient absolument qiie ce que nous les avions vu faire- la première fo is , et nullement des signaux imaginés contre nous; et qu’il étoit, dans tousi les cas, plus prudent, de continuer à vivre comme par le passé , que de leur inspirer tout à coup , par une conduite différente, l’idée qu’on pût les i redoue| ter et chercher à les fuir. 2 Ce discours d’un homme aussi sensé que fidelle et intrépide ; acheva de me déterminer. Peu m’importoit que les Namaquois ét leurs semblables tremblassent ou non , me suivissent ou restassent ; j ’étois décidé à prendre la route que m’indiquoient les Houzouânas et à m’abandonner aveuglement à leur conduite. D’ailleurs, en partant, j ’étois bien sûr que les trembleurs suivroient, comme les autres ; et c’est ce, qui arriva. <• Il n’y avoit qu’une nation aussi active et aussi infatigable, que les Houzouânas, qui fût capable d’avoir tenté de traverser de pareilles montagnes , et qui le fût sur-tout d’y réussir. Pour moi, dès les F f 2
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