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Néanmoins, au moment où je venois de les apprivoiser, il fallut me séparer d’emç. Ma marche avoit .consumé beaucoup de tems. La journée étoit fort avancée ; et je craignois , èn restant davantage, d’alarmer, mes gens paT mon absence, ou de m’exposer à m’égarer la nuit dans un pays que je ne connoissois point. J ’annonçai donc aux Houzouânas que le lendemain je reviendrois camper sur des bords de ¡ leur ruisseau.1 Je. les assurai de nouveau qu’ils trouveroient en moi un ami, toujours prêt à les obliger et à les défendre. Je leur garantis qu’ils n’éprouveroient, de la part de mes gens, ni insulte ni dommage ; mais je leur déclarai,. en même tems , que, si j’avois à me plaindre d’eux en la moindre chose, j ’userois aussi de toutes mes ressources, que je les assurai être de beaucoup supérieures à leurs forces.. Ce fut le Hottentot qui me servit d’interprète pour annoncer ces diverses dispositions. Ce fu t lui qui me rendit la réponse très-satisfaisante qu’on y l i t ; et je remarquerai qu’outre la langue hotten- tote, il paxloit encore assez bien le hollàndois. Enfin, il m’offrit officieusement de me servir de guide jusqu’à mon camp, d’y passer la nuit, et de revenir le lendemain à la horde avec moi. Il étoit ravi de retrouver des compatriotes avec lesquels il, pourroit parler sa langue maternelle. Moi, je l’étois de voir en lui une confiance qui fondoit la mienne. Ainsi j ’acceptai son offre avec reconnoissance, et nous partîmes. On se doute bien qu’en route «mon premier.'soin fut de l ’interroger sur l’aventure qui l’avoit transplanté chez les Hoûzouânas. Il me Conta que né dans les environs du Camis, il avoit vécu, pendant assez long tems, sujetdelaCompagnie ;mais qu’ayant éprouvé des mauvais traitemens et des injustices, et déserté avec un Nègre esclave , attaché au même maître que lu i, après bien des courses , il étoit venu chercher asile et protection chez les Houzouânas. Le Nègre étoit mort d’une flèche empoisonnée, dans une escarmouche que la horde avoit eue à soutenir avec une horde étrangère. Pour lu i, resté seul, il continuoit de vivre avec ses anciens protecteurs, dont, par son courage , il étoit, en quelque sorte, devenu le chef. J ’excusois sa désertion. Elle me paroissoit légitime; mais je ne pouvois comprendre comment il avoit- fixé de préférence son séjour chez des brigands , dont la profession étoit le vol et le meurtre *'et je lui fis , à ce sujet , quelques reproches. "Voici ce que je compris de ses discours. Les Houzouânas ne sont point meurtriers par profession, comme vous le croyez, me fépondit-il. Si quelquefois ils versent du sang, ce n’est point la soif du carnage, mais une juste represadle qui leur met les armes à la main. Attaqués et poursuivis par les autres nations, ils se sont vus réduits à fuir dans des lieux inaccessibles, dans des montagnes stériles où eux seuls peuvent vivre. S’ils trouvent à tuer des gazelles ou des damans, si les nymphes des fourmis sont abondantes, si leur bonne fortune leur amène beaucoup de sauterelles, alors ils restent dans l’enceinte de leurs rochers. Mais si la subsistance vient à leur manquer, malheur aux nations voisines. Du haut de leurs montagnes, ils promènent au loin les yeux sur les contrées d’alentour. Y apperçoivent-ils des troupeaux, ils vont les enlever, ouïes égorger, selon les circonstances; mais, s’ils volent, jamais du moins ils ne tuent que pour défendre leur v ie , ou par représailles et pour venger d’anciennes injures. Quelquefois cependant il arrive qu’après des courses très-fatigantes , ils reviennent sans butin, soit parce que la proie a disparu, soit parce qu’ils ont ete repousses. Alors les femmes, exaspérées par la faim et par les cris de leurs enfirns que le besoin fait pleurer, entrent en fureur. Reproches, injures, menaces, rien n’est épargné. On veut se séparer ; on veut quitter des maris sans courage , et “en chercher d’autres qui aient l’industrie de nourrir leurs enfans et leurs femmes. Enfin, après avoir épuisé tout ce que la ragent le désespoir peuvent suggérer, elles détachent leur petit tablier de pudeur , et à tour de bras en frappent leurs maris au visage. De tous les affronts qu’il est possible de leur faire , celui-ci est le plus outrageant; et jamais ils rfy résistent. Devenus furieux à leur tour , ils coëffent leur bonnet de guerre ( c’est une sorte de casque fait avec la nuque de l ’hienne, dont le long poil forme sur leur


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