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garni de plumes d’autruches* suffisent pour «te garantir : mais je vou- lois me faire un garde-vuë contre cette éblouissante réverbération du soleil, tet tine sorte de paravant contre ces nuages de poussière caustique qui rii’ulcéroiént. A cet effet , je me fabriquai , avec du fil de laiton, un petit parasol, que je couvris d’un mouchoir, et qui, assez léger pour ne me fatiguer fen aucuùe manière, me devintpourtant très-utile. Son usage parut à mes geùs d’une telle commodité qu’à mon exêmple, tous voulurent én a vô if, et que changeant la forme des peaux dont ils s’étoient couvert la tète, ils les transformèrent en parasols. Ces abris etoient ridiculement faits, j ’en conviens; mais ils avoient leur avantage, ëi ils leur furent d’une grandé ressource dans la route. Une intention plus risible enCôre fut celle de plusieurs de mes gens. Ils avoient arrangé ünê gt'ande péau de buffle sur des piquets, et la portaient aü-dessus de leurs têtes, en guise de dais. Les femniés seules supportèrent avec courage l’extrême fhtigue d’un voyage si extraordinaire. Rien n’altéra leur gaieté. Toujours égale-' ment lestes , toujours folâtré«, ’elles' rîé Songeoièftï qu’à plaisanter aux dépens des horttmes' et de îeurtidiculè afïhblèmênt. Pour moi j'étais à'piëd nommé lea'femmtes, et bravbîs lâ fatigue, tant pour épargner mes chevaux que pour ne pas risquer ma vie sûr des animaux qu i, bronchant et buttant des genoux très - fréquemment, m’euèsent ïiifailliblement cassé le cou. Au reste, dans la circohs- tanfce où je me trouvois , c’était pour moi un avantage inappréciable que l'infatigable courage des femmes. Il aiguillonnoit par la honte les dégoûts et l’indolence de ces hommes, q u i, ne connoissant pas les motifs particuliers de mon voyage, ne le regardoient que comme une témérité extravagante. Dans la journée, nous éprouvâmes, malgré nos précautions et nos parasols , une augmentation de souffrances. Soit action de l ’excessive chaleur, soit effet du climat ou de la poussière saline, nous eûmes tous des saignemens de nez très - fréquens et des maux de tête intolérables. La fièvre, qui probablement accompagnoit ces symptômes, nous donna même à tous ce que jamais mes Sauvages n’avoient éprouvé, et ce que moi-même je sentis pour la première fois de ma v ie ; c’é- toient des éblouissemens et des vertiges, ou plutôt un véritable délire. Il nous sembloitvoir devant nous des charriots, déamaisons, des villes ou kraals, des troupeaux nombreux, enfin mille objets divers qui changeoient de forme et en produisoient d’autres, à mesure que nous avançions. Mais ce qui est à remarquer, et ce qui nous frappa de quelque effroi, en nous faisant sentir le danger et la réalité de notre situation, c’est qu’aucun'de nous ne voyoit la même chose, et que ce qui pour l ’un étoit une montagne , paroissoit à l ’autre une rivière. Bientôt pourtant nous apprîmes à nous défier de ces visions fantastiques; et à force de nous assurer, par l’expérience, qu’elles étoientimaginaires, nous ne crûmes plus à leur réalité. Il est vrai que l’effet n’en étoit pas habituel. Dans certains momens elles cessoient totalement, et permettaient à nos yeux de ne plus voir les objets que comme ils existaient réellement. Dans d’autres, au contraire, notre faculté visuelle s’anéantissoit tout-à-coup ; nous éprouvions un éblouissement de cécité, et nous restions comme aveugles pendant plusieurs minutes. Mes gens attribuoient à sorcellerie tons ces effets contradictoires et destructeurs les uns des autres. Moi, je les croyois principalement dus à l’action du soleil : c a r , quoique depuis plus de sept semaines il eût quitté le tropique et qu’en avançant vers l ’équateur, il ne nous envoyât que des rayons obliques, néanmoins il avoit tellement échauffé la terre, et l ’air étoit si brûlant, que le thermomètre restoit constamment au-dessus de cent degrés. Quoiqu’il en soit de la cause de nos souffrances , elle a influé sur mon tempéramment. Depuis cette époque j ’ai été sujet à des hémorragies et. à des migraines que je n’avois jamais connues auparavant, et que je conserverai probablement pendant le reste de ma vie. Je n’ai rien dit du tourment de la soif auquel nous fûmes condamnés durant toute la route. Ce n’est pas que nous ne trouvassions de l’eau en abondance ; l’orage de la veille en avoit laissé par-tout ;


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