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leur séjour et armé contre eux. Ainsi, employant mes interprètes , tantôt à m’inspirer une grande haine pour ces brigands , tantôt a me conseiller de ne pas avancer plus loin ; il étoit sans cesse en contradiction a*vec lui-même. Il ignoroit que dans les différentes peupjades, chez lesquelles je venùis de passer, on m’avoit parlé d eux avec la même terreur, et que tous ces discours n’avoient produit en moi d’autre effet qu’un grand désir de les connoître. Avec une caravane nombreuse, des chasses lointaines et fréquentes, des feux de nuit très-multipliés , je ne pouvois rester long-tems inconnu à des hommes aussi errans que les Houzouânas. Je ne doutais nullement que dans leurs courses ils ne m’eussent apperçu et découvert; et s’ils ne s’étoient pas montrés encore, c’est que le bruit de mes armes-à-feu, qui se faisoit entendre la nuit et le jour, les avoit, sans doute, dégoûtés de l ’envie de venir m’attaquer. Ce qu’ils étoient pour les Kabobiquois , je l ’étois pour eux ; et cet état de terreur de leur part me fâchoit beaucoup, parce qu’en les tenant éloignés , il m’empêchoit de les connoître. Quelque fût la supériorité que me donnoit sur eux la nature de mes armes, je n’avois garde d’en abuser. Toute insulte étoit contraire à mes principes. Pour exécuter le projet que j ’avois conçu, il me falloit beaucoup d’amis. Par-tout j ’avoistaherché à m’en faire; et j ’étois intimement convaincu que ces Plouzouanas, si craints, si décriés , seroient de ce nombre. Ma troupe pensoit bien différemment. Les conversations que j ’avois eues avec le chef venoient de la prévenir sur mon dessein ; et, d’après l ’obligation où j ’étois de me servir de quatre truchemens dif- fërens, il ne pouvoit être un secret pour elle. Dès qu’on en fut instruit dans le camp, je vis tout le monde s’al- larmer, les hommes et les femmes se parler avec,inquiétude, et les différentes nations se réunir entre elles et tenir des conférences. Quoique je n’entendisse rien à leurs discours, le mistère qu’ils y mettaient, l’air inquiet de leurs physionomies, tout m’annonçoit un orage et une conjuration prête à éclater. Les Namaquois, comme les pins peureux, furent les premiers qui qui s’expliquèrent ; et moi, de mon côté , je fus fort aise que le complot commençât par la déclaration de ces imbécilles sans énergie et sans ame. Ils vinrent m’annoncer qu’ils ne vouloient ni s’engager' dans un pays dont personne de la troupe n’avoit connoissance , m s’exposer aux coups d’une nation que toutes les autres avoient en horreur; et qu’en conséquence ils se sépareroient de moi, si je persistais dans ma resolution. Je ne répondis à'leurs discours que par un éclat de rire ; et les prenant au mot, je leur permis de partir à l’instant meme. O r, c’étoit là que je les attendois ; et j ’étois d’avance bien assure qu’aucun d’eux n’en aurait le courage. Obligés , pour s’en retourner , de traverser des contrées infestées desBoschjesman, jamais ils n eussent osé y passer seuls. C’étoit pour eux une nécessité de rester sous mon aîle , et par excès de poltronerie, ils en étoient réduits a se laisser conduire par-tout où je voudrais les mener. Ce fut la même chose pour leurs autres camarades. Chaque bande vint me notifier son départ; mais quand il fallut se séparer de moi , aucune ne l ’osa. Leur terreur étoit telle qu’çn fuyant Les Houzouânas et leur tournant le dos, ils eussent craint encore d’en être attaqués. # Mes Hottento.ts du Cap, quoiqu’aussi poltrons, se montrèrent moins à découvert; et d’ailleurs, ceux-ci me donnoient d’autres sujets d inquiétude. Accoutumés à la vie fainéante des colonies, sans cesse regrettant certaines commodités dont ils se voyoient privés, ils n e- toient nullement propres à des fatigues telles que celles que nous avions à supporter. La différence du climat dans lequel ils se trou- voient transplantés, les rendoit malades ; et si je n’avois pris la précaution de faire de longs séjours dans la plupart des gîtes ou je m’arrêtais, ils n’auroient pu suffire au voyage et eussent péri les uns après les antres. , Celui-ci les effrayoit de plus en plus. Moins bruts que leurs camarades, et par conséquent moins francs et moins ouverts, ils étaient assez adroits pour cacher leur pusillanimité sous des prétextés spécieux Me parler des Houzouânas, c’eût été se trahir împrudem- Tome II


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