Page 105

27f 82-2

ment 5 ils n’en prononçoient pas même le nom. Mais, affectait de se montrer bons pères et bons maris, ils me rappelaient, avec un attendrissement simulé, leurs femmes et leurs enfans, qu’ils eussent battus peut-être, s’ils avoient été près d’eux ; ils me parloient de leurs fatigues , de leur santé , et sur-tout des obstacles locaux et particuliers qu’alloit m’offrir mon nouveau projet. Effectivement, si j ’en croyois les gens de la horde, j ’avois à traverser un désert qui exigeoit cinq jours de marche, et dans lequel je ne trouverais , ni pour ma troupe, ni pour mes animaux , aucune sorte de nourriture ni de rafraîchissement. Pas le moindre vestige de végétation ; pas même de terre végétale. Ce n’étoit qu’une vaste mer dé sable, ou il ne serait pas possible de faire un pas sans enfoncer jusqu’aux genoux; mais ce sable, mobile et léger comme la poussière, étoit si fin, que nous courions le risque d’être étouffés au moindre vent ; si même nous ne périssions pas de soif et de faim, de fatigue et de misère, avant seulement d’avoir fait la moitié du chemin. Ces avis effrayans étoient confirmés en apparence par la conduite des Kabobiquois eux-mêmes. Malgré les invitations de leur chef malgré l ’appas des présens que j ’offrais, pas un seul homme de. la horde n’avoit voulu consentir à-me servir de guide. Mais ce refus ne m’allarmoit point. Tout inquiétant qu’il paroissoit être, je l ’at- tnbuois à la crainte qu’avoient tous cës malheureux poltrons d’aller se livrer, en quelque sorte, entre les mains des Houzouânas. Pins on s obstinent à me représenter ce pays comme extraordinaire, et pins j etois empressé de le connoître. Mon imagination s’y représentait des objets nouveaux pour l’histoire naturelle, des découvertes intéressantes pour le commerce, des détails même" fort piquons pour la curiosité, et d’autant plus singuliers que personne encore avant moi n avoit été à portée d’en être instruit. Quant à toutes les relations effrayantes qu’on m’en faisoit ; je n’y voyois que des récits exagérés qui, en passant successivement par la bouche de mes différons interprètes, grossissoient selon la peur plus ou moins grande de chacun d’èux. Et après tout, puisque les Houzouanas venoient jusqu’à la horde pour la piller , je pouvois bien, sans pliis de danger, aller jusqu’à eux pour les voir. J ’avoue cependant que ce qu’on me disoit sur la nature du so l, né me paroissoit pas tout-à-fait dénué de quelque fondement. Quand, èn venant chez les Porte-sandales , je m’étois détourné vers le bois -, j ’avois trouvé la plaine couverte d’une poudre grisâtre, si épaisse qu’elle cachoit, non-seulement la terre, mais encore les herbes et les cailloux. Ce phénomène singulier étoit trop frappant pour n’être point remarqué par moi ; mais il m’avoit rappelé certaines lectures faites autrefois, et avoit produit quelques réflexions qui , par leurs résultats , me paroissoient devoir être intéressantes. Selon le savant voyageur Hasselquist, « il n’est point de pays au « monde, si l ’on en excepte la Pologne, qui renferme dans son « sein une aussi grande quantité de sel commun que l’Egypte. Le « fond de son terrain n’est presque Composé que de montagnes de « se l... Des fosses creusées, de distance en distance, rendent un sel « rougeâtre, mêlé de chaux, et nommé natron par les Egyptiens « d’aujourd’hui... Ils regardent les puits d’eau dou.ee comme un mi- « racle... Sans les secours du Nil, l’Egypte seroit inhabitable, com- « me une portion de l’Arabie l ’est par la même cause... Les terres «c même les plus noires renferment beaucoup de sel ; ce qu’on véri- « rifie facilement le matin, avant le lever du soleil, par la quan- « tité de sel blanc dont elles sont revêtues ; à-peu-près comme on « voit en Suède , dans l ’arrière-saison, la terre couverte de frimats « ou d’un peu de neige. Un terrain salé, ajoute l ’auteur , doit pro- « duire des plantes salées ; aussi s’en trouve-t-il en Egypte , .et «••beaucoup plus qu’en aucun autre endroit du Levant ». L ’Egypte est située au-delà du tropique du Cancer.; et moi je me trouvois près de Celui du Capricorne ; c’est-à-dire, en-deça et à égale distance de l ’équateur. Or, ce que Hasselquist m’apprenoit de l ’Afrique septentrionale, je le trouvois dans la méridionale, à la même latitude; et voilà ce qui me frappoit d’étonnemenfc-. J ’adinirois comment la nature offrait des ressemblances si frappantes dans deux contrées éloignées de près de douze cents lieues, mais situées sous des parallèles semblables. Z z


27f 82-2
To see the actual publication please follow the link above