voulois plus fatiguer mes chevaux à poursuivre inutilement un gibier qui ne se laissoit pas joindre. Je résolus donc de quitter la horde et d’aller en visiter une autre, qu’on m’avoit dit établie au nord- ouest, à une forte journée de celle-ci. Le chef me donna des guides pour m’y conduire j et le 9 février, nous nous mîmes en marche. D’abord nous fîmes route, pendant quelque tems, par des sentiers fort étroits , mais qui probablement raccourcissoient notre chemin. Enfin, au débouché d’un défilé, se présenta une plaine qui, se prolongeant vers l ’ouest, se terminoit à l ’horison par de hautes montagnes, dont le pied étoit couvert de bois. ' La verdure de ces forêts me faisoit soupçonner qu’elles étoient arrosées par quelque rivière ; et elles me rappelloient ces bords char- mans de la Rivière des Poissons, où j ’avois séjourné avec tant de plaisir. Je me flattois de trouver également sur ceux-ci, et des v ivres abondantes pour ma troupe , et des collections nouvelles pour mon cabinet, et des objets inconnus pour ma curiosité. En conséquence , je donnai ordre qu’on tournât de ce côté ; e t, quoique ce fut une augmentation de chemin, nous prîmes-la plaine. Déjà nous y avions marché pendant trois heures , dévorés par un soleil brûlant, quand tout-à-coup l ’horison s’obscurcit et envoya sur nos têtes un orage affreux. De longs et fréquens éclairs sillon- noient la nue. Le tonnerre grondoit d’une manière épouvantable ; et nos animaux , par leur agitation et l ’inquiétude de leurs mou- vemens , annonçoient que la tempête allôit être terrible. Safls perdre de tems , on déchargea les boeufs ; on dressa ma tente ; on fit des abris avec des peaux et des nattes ; enfin, tout le monde mit la main à l’ouvrage. Mais nos précautions furent inutiles. Le vent devint si impétueux qu’aucun de nos abris ne put résister. Ma tente fut renversée , et je fus réduit à me cacher sous la toile ; tandis que tous mes gens se garantissoient comme ils pouVoient. Pendant ce tepis, la pluie tomboit en torrens , et l ’averse étoit telle qu’on eût dit que l ’Afrique alloit être noyée. Néanmoins ce ciel, qui sembloit se fondre en eau, étoit tout en feu par les éclairs. Ils embrasoient brasoient l ’atmosphère toute entière, pendant que la foudre, éclatant de toutes parts autour de nous , nous faisoit craindre à tous d’en être frappés. J ’avois v u , dans la Caffrerie, de violens orages. Je connoissois ceux du Cap , si redoutés des matelots et des voyageurs. Je n’avois point oublié ceux de Surinam , qui chaque jour ^ pendant deux mois, s’élevant régulièrement avec la marée, annoncent la saison cLes,se- cheresses. Mais jusqu’alors je n’en avois point vu encore qui"fus- sent aussi effrayans. Pour la première fois de ma vie , le tonnerre me fit trembler. Il est vrai que pour garantir et préserver ma provision de poudre, je l ’avois placée , avec moi, sous la toile y. et qu’en craignant pour nous la chute de la foudre, je la craignois encore pour mon magasin, q u i, par son explosion, m’eût fait sauter avec lui. Mes transes sur ce double danger durèrent plus d’une heure. Enfin , le tonnerre cessa , quoique la pluie continuât encorè ; et alors chacun de nous tirant la tête de dessous ses couvertures, nous nous cherchâmes des yeux les uns les autres. Surpris de nous retrouver vivans , nous nous félicitions d’avoir échappé à un pareil danger. Mes guides kabobiquois s’applaudissoient seuls de l’orage. Accoutumés, disôient-ils, à en éprouver souvent de pareils, et même de plus bruyans encore, ordinairement ils n’en avoient que le b ru it, sans profit aucun ; tandis que celui-ci alloit donner de l ’eau à leurs puits et des herbes nouvelles à leurs bestiaux. Aussi l ’avoient-ils regardé comme un bonheur ; et leur joie étoit même telle qu’ils étoient restés assis tranquillement,-exposés à l ’averse, et sans cherchër aucunement à s’en garantir. Tous nos animaux , moutons, boeufs et chèvres , s’etoient, pendant la tempête , dispersés de côté et d’autre dans la plaine. Il fallut les rassembler. Après quoi, voulant trouver un campement près du,bois et de la rivière que j’y soupçonnois, je me remis en route. Qu’eussions-nous fait au milieu de cette campagne inondée, et sous 'une pluie q u i, quoique moins forte qu’auparavant, tomboit néanmoins toujours avec violence ? Percé jusqu’à la pe au, le desagrement Tonie II. .1 ^
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