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les vingl-trois boeufs qui me restoient ; convaincu que huit bêtes suffiraient à ma voiture, tant elle étoit allégée; j ’eus même le soin de ne faire faire à chaque relai , qu’une lieue ; et cë fut ainsi que j’arrivai à Oliphants-Kop ( Tête d’éléphant). C’étoit encore là une roche à qui sa forme avoit fait donner le nom qu’elle portait. Je me flattois d’y trouver de l’eau comme au Schuit-Klip ; et réellement il y en avoit eu dans ses différens creux; mais il ne s’y trouvoit plus qu’une vase humide. Mes boeufs fini, de toute la journée, n’avoient point bu, et qui, la veille, ayoient'a peine obtenu quelques gouttes.rafraîchissantes , éventoient toutes les fentes de la roche sans y rien trouver.. Dè leurs narines, ces pauvres animaux aspiraient l’humidité qu’exaloit. la vase ; ils. y prome- noient leurs langues, pour en lapper les parties aqueuses qu’elles pouvaient contenir encore ; ils- bâttoient. des flancs , et sembloient chercher à s’en imbiber par tous les -pores. Pour moi, il ne me restait qu’un peu d’eau dans une jarre; je la partageai entre les douze Hottentots que j ’avois avec moi ¡nous en eûmes très-peu chacun. Heureusement mes chèvres nous offraient une ressourcé ; elles n’étoient point encore taries : intéressans animaux, vous étiez toujours un refuge assuré dans mes desastres. , Les grandes et longues pluies que nous avions essuyées en longeant la Rivière-des-Eléphans, ne s’étoient point étendues jusqu’au, canton d’Oliphants-Kop ;'ou du moins, s’il avoit subi un orage, comme la vase du rocher l’indiquoit, cette irrigation légère avoit été trop foible pour que l’effet en fut devenu sensible sur le terrain. Par tout il montrait une aridité affreuse dont rien ne m’annonçoit l e t e r m e . A l’ouest étoit une plaine immense, qui, en se prolongeant probablement jusqu’à la mer, n’offroit, de toutes parts, a perte de vue qu’une longue nape de terre aride , sur laquelle perçoient, de loin en loin, quelques plantes grasses, et .quelques buissons rabougris et peu fournis. A l’est, un long rideau de montagnes pelées, bordoit tristement l’horison ; de tous côtés , enfin , regnoient l’abandon , le silence et le néant. Dans. une situation moins ■ déplorable , j ’ayois dû autrefois mon salut salut à un oiseau sauvage > qui, s’abbattant sur des rochers, m’avoit indiqué qu’ils pouvoient contenir de l’eau ; j ’attendois le même bienfait des troupes de gélinottes que je voyois passer en l’air. Dans cet espoir, je suivois leur vol avec des yeux avides; je savois, par expérience, que ces oiseaux se rendent régulièrement deux fois par jour à l’eau pour s’y désaltérer et pour s’y baigner ; mais dans cette circonstance ils combloient d’autant plus mon désespoir, qu’en passant du nord au sud, puis revenant du sud au nord, sans s’arrêter , il étoit infailliblement certain qu’il n’y avoit pas d’eau dans tout mon voisinage. Ces oiseaux'passoient même à une si prodigieuse hauteur que ma vue ne pouyoit les suivre long-tems ; tout ce que' je pouvois augurer de leur passage, c’est qu’ils poussoient jusqu’à la Rivière-des-Eléphans pour s’y abreuver. Nul autre oiseau de rocher ne s’abattit autour de nous ; ce qui m’annonçoit obstinément le plus triste abandon de la nature. Les gélinottes sont, en général , des oiseaux sinistres, qui ne se nourrissent que de grains et d’insectes et que l’on ne rencontre que dans les terres arides et brûlées. Déjà leur affluence m’avoit causé de grandes alarmes, pendant mon premier voyage; je me rappelois qu’au sortir du Sn«u%-berg, en traversant le stérile pays dm Karauw, j ’en avois vu des volées nombreuses; signe également funèste dé la stérilité de ces contrées. Mais, ni dans le fertile pays, des Caffres , ni dans les bosquets enchantés d’Auteniquoi, je n’en avois jamais apperçu une seide : ce rapprochement fatal acheva de répandre l’effroi dans mes sens. Nous étions arrivés d’assez bonne heure à Oliphants-Kop pour espérer de faire encore quelques lieues avant la chûte du jour, et j ’y étais déterminé d’autant plus puissamment, que, ne trouvant là ni pâturage, ni eau, il falloit bien tenter le hazard de rencontr ir plus loin un campement meilleur. Mais quand j’eus donné l’ordre ¡du départ et qu’il fut question d’atteler les boeufs, tous, sans en excepter un seul, refusèrent le. service ; tous se couchèrent autour* de la voiture avec une apparence d’abbatement qui annonçoit que c’étoit-là qu’ils vouloient mourir. Jamais situation ne fut plus horrible ; j e me voyois forcé à pas- Tome I. T


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