Page 94

27f 82-1

des-Eléphans, à la vérité, nous eût offert la consolation d’avoir de l ’eau en abondance ; mais retourner dans les plaines brûlées que nous venions de traverser, passer trois jours encore , avec des animaux exténués, dans cette disette de toutes choses,- c’est ce que n’eut pu obtenir de ces animaux un dieu même, fjuand il auroit pressé leurs flancs. D’ailleurs, sûr de ne trouver aucun pâturage, l’autre projet alloit peut-être nous enfoncer de pins en plus dans l’abyme ; mais cachée dans l’avenir, cette ressource nous offroit du moins pour aliment l’espérance. Forcé de choisir, je jettai en avant mon drapeau, et tout s’ébranla pour le départ. .Nous abandonnâmes le chariot, après en avoir tiré les effets dont l’usage m'étoit indispensable : on y mit à la place plusieurs caisses très-pesantes, que j e fis enlever des deux autres pour rendre leur marche plus facile. Enfin, je renvoyai à un tems plus heureux le soin de recouvrer ces objets , dont je confiai la garde au ciel et aux éléphans. Mais, en tout cas, pour ôter à quelques hordes de Hottentots, qui auroient pû être conduits dans ce parage, ou même à des colons de la frontière, toute envie de m’éviter la peine d’envoyer un jour chercher cette voiture; je la fis entourer et couvrir entièrement de branchages, ce qui lui donnoit de loin l ’apparence d’un buisson; et, par une prévoyance plus heureuse encore, j'en fis enlever une roue qu’on enterra plus loin dans la terre. Nous marchions ; et, à force de précautions, de patience, de courage, nous gagnâmes le Schuit-Klip ; mais non sans avoir perdu encore quelques boeufs, quoique la distance n’eut été que de deux lieues et demie. Le Schuit-Klip ( Rocher-bateau) est une petite roche dont la forme ovale se trouve effectivement, selon sa dénomination, creusée en bateau. Elle avoit conservé une petite quantité d’eau. Par surcroît de bonne fortune, cette eau se trouva exquise ; les quadrupèdes du voisinage, qui né pouvoient boire dans le bassin, à cause dé son escarpement trop rapide, n’avoient pu la gâter comme celle du Krakkeel-Klip. Cet escarpement ne perméttoit pas à mes chevaux d’aller s’abreuver au réservoir; mais nous y puisâmes de l’eau pour les désaltérer un peu, ainsi que mes boeufs; et toujours plus rempli de confiaftce dans l’avenir, je remis au lendemain à poursuivre notre route. Tant d’obstacles insurmontables ne laissèrent pas d’atténuer mon courage; et quoique j ’affectasse1 d’en imposer au dehors par un air serein et des paroles consolantes , j ’étois au dedans dévoré d’inquiétudes. Swanepoel-, qui connoissoit mieux mon caractère et mon humeur ; plus réfléchi d’ailleurs que né l’étoit mon cher Klaas , vint me trouver pour me faire une proposition bien fatale, celle d’abandonner encore un chariot. « Vos attellages, me dit-il, sont m dans un état de foiblesse qui exige que vous ménagiez le peu qui « vous en est resté ; quelques soins que nous ayons pris d’alléger nos te voitures, s’il« en ont .encore deux à traîner., je crains fort que de- « main au soir il ne vous reste pas un seul boeuf en vie ; alors que « devenir ! Nous touchons, il est vrai, au canton dans lequel vit ce « KÎaas BaSter que vous a indiqué Gordon, comme pouvant nous « être utile. Allez le chercher en continuant votre route avec un seul « chariot ; faites battre le pays par vos gens; si vous êtes assez heu- «: rèux pour le rencontrer, envoyez nous du secours ; je ne vous « demande de me donner que quatre hommes , et je vous réponds « non-seulement de la voiture que vous laisserez ici, mais encore de « celle que nous avons abandonnée à Krakkeël-Klip. » Ce conseil étoit assurément le plus raisonnable qu’on put donner dans une pareille circonstance : en ménageant l’eau du rocher, Swanepoel, avoit de quoi suffire aux besoins de son petit détachement ; d’ailleurs, il pouvoit survenir quelques pluies qui augmenteroient la citerne. Je lui laissai quelques provisions, et fis transporter, sur le chariot que je laissôis, les effets trop pesans, qui embarrassoient celui que j ’emmenois. «Mon cher Swanepoel, lui dis-je en parte tant, si le malheur qui s’attache à me poursuivre, attiroit une « troupe de Hottentots marons bu de voleurs Bosbhjesman, je vous « défends d’exposér votre vie et celle de vos camarades, laissez piller «mes voitures; venez mé rejoindre; et que je vous revoye sàïn « et sauf comme je vous ai laiSso. » Des cinquante quatre boeufs que j ’avois eu en commençant mon voyage, il m’en étoit môrts trente un. Je partageai en trois attellages,


27f 82-1
To see the actual publication please follow the link above