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Or , Ce canton-ainsi que les cantons précédera , ne leur avoit fourni que des plantes grasses ; leur disseriterie s’étoit encore accrue , et je les : retrouvois plus malades qu’auparavant. Mon dessein étoit donc de décamper dès le j oui* même, et d’aller au plus vite chercher ailleurs une terre plus heureuse. Ce projet contrarioit'celui du voyage à la mer ; mais un désir ardent lie s’éteint pas si aisémçnt/et je vis bien qu’il faudrait tôt ou tard y céder. On insista, en me représentant que la demande qu’on me faisoit ne retarderait en rien mon départ, si je voulois que les six qui iraient à la mer emmenassent Jonker pour leur servir de guide;i que ; connoissant très-bien les déserts que j ’allois parcourir, ils seraient tous, à portée de mè venir joindre par des routes plus courtes au lieu où je me trouverais. J’eusse trop mécontenté ma troupe, siJ je m’étois opiniâtré plus Ibng-tems. Mon consentement fut reçu avec les transports d’une j oie folle ; il ne s’agissoit plus, dans le moment, ni des maux que nous avions essuyés, ni de.tous ceux qui nous attendoient encore; tout*étoit oublié; l’espoir seul d’une abondante récolte de graisse de baleine, rendoit tout le monde heureux; L’empressement étoit si grand, qu’il fallut permettre encore que Jonker partit à l’instant avec les deux boeufs et son détachement ; je lui donnai un fusil et des munitions ; il fut -salué par les acclamations de la troupe entière. Pauvres humains ! qu’on pouvoit contenter à si peu de frais, et qu’un peu d’huile alloit rendre si heureux et si opulens ! Mon départ à moi fut moins gai, quoique j ’eusse de très-fortes raisons pour quitter avec plaisir ces bords de la Rivière-des-Eléphans qu’on m’avoit tant vantés, et dont le séjour fut si désastrueux pour mes bestiaux. J’étois très-inquiet sur les malheurs dont .j’étois encore menacé. Le ciel étoit très-beau. Nous dirigeâmes,notre marche au nord; mais, malgré la douceur d’iin-fcenis favorable, mes attellages étoient si affoiblis, qu’après trois heures de marche, ils se refusèrent au service et m’obligèrent d’arrêter. L'après-dîner, ils ne purent faire que deux lieues; encore.'fallut-il nous résoudre à detteler detteler et abandonner trois boeufs, qui, tombés de fatigue, restèrent sur la place, et qui, probablement, y moururent, puisque nous ne les revîmes plus. Dans la nuit j’en perdis cinq autres, que je vis tristement périr au lieu où ils étoient couchés, sans pouvoir les sauver. Le reste étoit si foible , que je désëspérois de faire même une lieue. En effet, nous n’avions trouvé dans toute la journée ni eau, ni paturage ; néanmoins je me remis en route, mais avec la précaution d’envoyer de tous côtés à la découverte ceux de mes gens qui ne m’étoieiit pas nécessaires , afin de trouver , s’il étoit possible, une source et quelqu’herbage, où nous séjournerions quelque tems. Ils ne purent rien découvrir ; par-tout, dans cet affreux désert, le sol n’offroit qu’une surface aride et brûlée. Ce fut alors que je me reprochai d’avoir perdu sur le bord de la Rivière-des-Eléphans, .un tems precieux qui, ayant privé mes boeufs du peu de forces qui leur restoient, les avoit mis hors d’état de gagner une terre moins funeste. Cejiendant, nous tracions nos sillons dans le sable, harassés-, tristes, sans espoir. Enfin, j ’apperçus au loin le Krak- kèel-Klip (Roche de discorde), qu’on m’avoit dit contenir un vaste bassin profondément creusé, et qui probablement devoit être rempli par les eaux des dernières pluies. A mesure que nous avançions, nous croyons entrevoir des chariots arrêtés sur les bords du bassin ; ce phantôme excita parmi nous une joie universelle et nous rendit à l’espérance. Non-seulement il nous annonçoit qu’il y avoit de l’eau, dans les cavités du rocher ; mais soit que les chariots appartinssent à quelques’ voyageurs , ou à des colons qui s’étoient avancés jusque là, ils me promettoient des renseignemens’ certains sur la route que j’avois à tenir. Hélas ! ce n’étoit effectivement qu’un phantôme r à notre approche les prétendus chariots disparurent, pour faire place à deux énormes éléphans; ils étoient venns se désaltérer au réservoir , et prirent la fuite aussitôt qu’ils nous virent approcher d’eux. La cavité du rocher néanmoins contenoit de l’eau ; même elle en annonçoit assez pour désaltérer toute ma caravane; mais cette eau étoit détestable, parce que, seivant d’abreuvoir à tous les animaux sauvages du canton, ses bords étoient couverts de fiente et' Tonie I. S


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