d’autres plus essentielles, et sans lesquelles celle-ci deviendroit presque inutile contre les rusées gazelles du désert : il faut une excellente vue ponr découvrir le gibier dans le plus grand éloignement, afin de l’appercevoir avant d’en avoir été vu ; et mettre beaucoup d’intelligence pour:1e leurer, lui donner le change, et sur-tout posséder un corps souple, capable de se prêter à toutes sortes de positions, pour ramper patiemment pendant long-tems, et à de très - grandes distances s’il le faut, pour parvenir à sa portée sans être découvert. Voilà ce qui est spécialement nécessaire aux bons chasseurs africains, et ce qui leur donne cette rare qualité si bien appréciée par les colons et les Ifottentots, qui les distinguent par le nom de lyild-Bekrwyperi ce qui équivaut à rampeur de gibier. Tel bon bekruyper, quoique ne sachant pas si bien tirer qu’un autre chasseur qui ne possèderoit pas son talent, ne laissera pas cependant que de tuer plus de gibier que lui; vu que, par son adresse, il saura se traîner et s’approcher si près d’un animal quelconque, qu’il seroit impossible, même au tireur le plus mal-adroit, de le manquer. Les Boshjesinan passent généralement pour être les meilleurs be- kruypers ; mais j ’ai été mainte fois à portée d’admirer la même agilité dans Jonker. Sa vue étoit si perçante, qu’à une distance énorme , il distin- guoit une gazelle couchée ; tandis que souvent moi, avec ma. lunette, je ne l’apperçevois pas. Il n’y avoit dans toute ma caravane que mon singe Kees qui eut l’oeil aussi perçant. -L’animal sauvage aie sens de la vue très-parfait; parce qu’ayant sans cesse, par le genre de vie qu’il mènede grandes distances à parcourir, il le fortifie encore par l’exercice et le besoin toujours renaissant , de mesurer ou d’apprécier les mêmes distances ; l’homme sauvage par la même raison l’a très-exquis ; et si l’homme des nations civilisées le possède à un degré moins subtil, c’est que ses perspectives étant presque toujours plus rapprochées, il a beaucoup moins d occasions de le développer : tout ce qui l’entoure, comme soieries, dorures, réverbères , lumières multipliées, objets de luxe , couleurs variées et. tranchantes, etc. , fatiguent en pure perte sa vue sans l’étendre. Joignez à cela des professions qui exigent de lui une forte contention d’organes, des écritures fréquentes, des lectures presque continues, l ’ a b u s étrange des plaisirs, et vous conviendrez que tout chez lui doit altérer de bonne heure un sens contrarié sans cesse, sans que rien le perfectionne. Pourquoi les chasseurs, les habitans des campagne^.et sur-tout les montagnards, ont-ils généralement la vue meilleure que 1 habitant des.villes? On en voit aisément la raison. S’il peut m’-ètrc permis de me citer pour exemple, je dirai, qu’avant d’arriver en Afrique, ma vue était si foible que pour lire ou écrire j’etois obligé d appliquer 1 oeil contre le livre ou le papier dont je me servois. Depuis que j ’ai passé plusieurs années en plein air, courant par monts et par vaux, franchissant de vastes déserts, elle s’est considérablement fortifiée ; actuellement je vois aussi loin qu’un autre. Lorsque nous nous fumes amusés quelque terns à tirer au blanc , je crus qu’il'étoit sage d’employer plus utilement ma poudre. C’é- toit pour chasser aux éléphans que j’avois traversé le fleuve et risqué ma vie avec celle de mes quatre compagnons; je voulus donc aller à la recherche de ces animaux. Dans ce dessein, je partis avec mes trois chasseurs et nous nous mîmes à parcourir le pays; mais nous ne vîmes ce jour-là ni fuinees, ni aucunes traces. Le fut alors que je regrettai bien sincèrement tant de fatigues et de risques devenues si inutiles. Probablement, comme je l’ai dit plus haut, les éléphans habitaient la rive.droite du fleuve ; mais quand la sécheresse les en avoit chassés , au lieu de passer sur la rive gauche où., ils n’eussent pas trouyé plus de nourriture, ils s.’étoient retirés vers le nord, plus avant dans l’intérieur des déserts. L’âpreté du froid nous avoit empêché de dormir , la nuit précédente; celle-ci ne fut .pas plus heureuse.. Une pluie violente qui survint éteignit constamment nos feux , sans qu’il fut possible de les rallumer. 11 fallut prendre patience et attendre que le jour vint ranimer nos forces., . Il parût, mais sans nous amener un tems plus favorable; je pris donc le parti de re,tourner à mon camp sans délai, par le chemin 1&
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