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Au reste, ce n’étoit là que des conjectures; peut-être même Ta vraisemblance devcùt-elle me porter à croire que ces animaux, sans avoir changé de rivage, s’étoient porté plus avant dans l’intérieur des terres ; néanmoins, l’envie d’en rencontrer quelques troupeaux, et de les chasser, échauffa tellement mon imagination, qu’elle faillit à me perdre-sans retour, avec le meilleur Hottentotde ma caravane : je vais conter en détail cette fameuse extravagance. Il ne s’agit de rien moins ic i, que de passer avec armes et bagage, et le monde qui m’accompagnoit, un fleuve considérable, accru par les débordemens, et de m’aller établir à l’autre rive. J’avois heureusement avec moi des nageurs exceflens , et le trajet du fleuve , quelque fut sa largeur, ne les inquiétoit pas ; il n’en étoit point ainsi de moi. On se rappelle qu’en poursuivant un aigle sur les bords du Queur-Boom, j ’avois, dans mon premier voyage , imprudemment risqué mes jours; instruit par le péril, je m’étois efforcé de me livrer à l’exercice de la natation ; en effet je n’y man- quois guère, pouf peu que l’occasion s’en présentât; mais je n’étois, encore qu’un foible apprentif, et ne me sentois point du tout la force d’affronter un fleuve débordé, extrêmement rapide, et d’une largeur démesurée. Je pris donc conseil de mes gens sur le parti qu’il y avoit à suivre et sur les moyens les plus prudents et les plus sûrs, de réussir. La première idée qui s’offrit à nous fut celle d’un radeau; elle étoit la plus naturelle et la plus commode; j ’en avois fait autrefois, l ’expérience avec succès sur des rivières, à la vérité, moins dangereuses. Me fiant ici entièrement çur la force de mes nageurs, j ’imaginai qu’il leur seroit aise de traîner le radeau vers l’autre rivage; mais, en examinant les difficultés de plus près, nous craignions, avec raison, que le radeau présentant une grande surface, il n’y acquît un mouvement qu’il ne seroit pas possible aux nageurs de vaincre et de diriger. Il falloît pourtant composer, ou trouver un corps quelconque qui me portât, et qu’ils pussent conduire:- or, c’est ce qu’aucun de mes Hottentots n’îmaginoit. Comment leur esprit eût-il été fécond en ressources dont aucun d’eux n’a- PASSAG E DE L A RTVXERE DES E L E P H A N T S .


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