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Ils s’éloignèrent bientôt de moi, et allèrent furreter les dunes, dans le dessein d’y trouver soit quelqu’oiseau, soit quelqu’animal qui me fut inconnu, soit tout aure objet extraordinaire, digne, en un mot, de piquer ma curiosité. Ils se donnèrent beaucoup de peine ; mais leur zèle fut sans succès : toutes leurs recherches aboutirent à la découverte de quelques gazelles ( ree-bock ) , sur lesquelles ils tirèrent, et qui, fuyant de mon côté, venoient se prendre au filet en passant l’une après l’àutre dans l’endroit oh j ’étois. Ils ne tenoit qu’à moi de tirer aussi sur elles; mais, en ce moment, j ’étois occupe à observer une quantité prodigieuse de vautours et d’autres oiseaux de proie de toute espèce, que je vis tournoyer et voltiger dans les airs, puis s abattre à un quart de lieue devant moi. Cependant mes gens avoient tué deux gazelles (steen-bock). Peu sensible à cette conquête, je dévorois des yeux les oiseaux carnivores que j ’avois apperçus, et dont l’afïluence augmentoit sans cesse; mais ma curiosité redoubla encore lorsqu’on m’eut assuré que ces oiseaux étoient probablement attirés par les émanations d’un éléphant mort', ou de quelqu’animal semblable, qui leur servoit en ce moment de pâture. En effet, lorsque nous nous fûmes approchés, nous vîmes sur le rivage un cachalot, long de quarante à cinquante pieds. Il étoit a plus cent pas de la mer, et sans doute avoit été jetté là par les vagues. Certes, la mer avoit éprouvé une terrible tourmente pour lancer, à cette distance, une masse aussi énorme. Elle étoit attaquée par différens oiseaux carnassiers : par beaucoup de corbeaux , et surtout , par diverses espèces de ces petits quadrupèdes du genre des fouines et des putois, qu’on désigne, au Cap, sous le nom général de Muys-Hond. Tous la rougeoient à l’envi; déjà même , elle étoit en partie dévorée ; cependant notre approche troubla la gaieté de ce bon repas : les oiseaux s’envolèrent; les muys-honden s’enfuirent ; il n’y eut que lès corbeaux , genre de carnivore plus opiniâtre que tout autre, qui ne voulurent pas quitter leur proie, et qui même, xsans s’effrayer de notre visite, voloient autour de/ nous et sur nos têtes, en poussant des croassemens affreux. A plus de. quinze pieds autour de la baleine, le sable étoit imbibé de son huile, que la chaleur du soleil faisoit découler. La perte de cette graisse, ainsi répandue, paroissoit affliger beaucoup mes Hottentots; ils regrettoient de n’avoir point à leur portée, l’un de mes chariots avec une douzaine de barriques pour les remplir de cette huile, qui eût fait leur bonheur pendant toute la route. Cependant , comme un grand désir éveille bientôt l’industrie, ils songèrent à leurs gazelles, _et me demandèrent la permission d’en disposer ; puis, retournant au lieu où ils les avoient cachées', les écorchèrent, s’en firent des outres, dont chacune pût contenir jusqu’à quarante j livres d’huile. Je cherchois pour mon compte à tirer parti du cachalot. En l ’examinant avec attention, je m’étois apperçu que différentes sortes de scarabées se promenoient sur cet immense domaine de charogne, et s’occupoient aussi à la ronger. J’en comptai de quatorze espèces ; je me mis à chasser tout ce monde, et quelques individus choisis de chaque espèce furent à leur tour immolés, à mon appétit : j’en enrichis mon petit magasin. Ce dépôt étoit une boîte de sapin, légère et platte, que je portois au-dessus de la calotte de mon chapeau; afin qu’elle s’y adaptât mieux, elle avoit, comme le chapeau lui- même, une forme ronde, et s’y trouvait assujettie, ainsi qu’ombragée par les plumes d’autruche dont j ’avois coutume d’orner ma tête. Plus satisfait de ce que j’avois recueilli que de l’immense provision d’huile qu’avoient faite mes Hottentots, je revins à ma canonnière qui étoit gardée par un de mes gens ; mais èn route, je vis dans les dunes beaucoup de fumées d’éléphant, ce qui me fit croire qu’il y en avoit une grande quantité dans le canton, et que la rivière, à •bon droit, portoit le nom de ces animaux. Il est vrai qu’aucune de ces fumées n’étoît fraîche; mais j ’en concluai que les éléphans habitent ordinairement la rive droite du fleuve sur laquelle j’étois, et que forcées, dans cette saison, par la sécheresse, à quitter ce canton devenu stérile , ils avoient passé sur la rive gauche qui, sans doute l'étoit moins. Q *


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