* ij P R É C I S - habitations voisines : ces femmes n’étoient plus reconnoissables. C’étoit de toutes.parts un costume tout nouveau /mais si bizarre qu’il eût été difficile de décider de quel pays on l’avoit apportée Je m'étois procuré, sur mon passage, une grande quantité de plumes d’autruche, que je comptais faire passer en Europe. Dès- que les femmes en furent instruites , il me fut impossible de les envoyer à leur destination. De tous côtés, on accouroit pour m’en- demander ; des gens même que je ne. connoissois pas se présentaient de la part de celle-ci de celle-là et demandoient naïvement une douzaine de panaches pour le soir. Je m’empressai de donner toutes mes plumes, afin de fermer boutique au plutôt. C’étoit la folie du jour, et un moyen si prompt de s’insinuer dans les bonnes grâces des belles , que beaucoup d’officiers avoient imaginé d’en tirer de France pour les satisfaire. De leur côté, les maris, disputant de galanterie avec les amans , en tiroient d’Asie et même de Hollande ; le-pays n'en pouvoit plus fournir assez et elles y étaient devenues plus chères qu’en Europe. Tel est l ’avantage particulier que la nation françoise a par-dessus toutes les autres. Presque par-tout où sa destinée la promène, elle acquiert bientôt sur ce, qui l’entoure une sorte d’empire. Sa: gaieté, son amabilité, ses grâeès ont quelque chose de si séduisant ; sa présomption même et son ton tranchant en imposent tellement à la plupart des esprits , et sur - tout chez les femmes,. qu’en peudetems elle les subjugue, les dominé, et qu’on se fait une sorte de devoir et d honneur d’adopter ses moeurs et sa langue. Quoi que la ville ne fut occupée que de préparatifs de guerre , et qu’à chaque instant on s’y attendit à être attaqué par la flotte-, angloise, néanmoins les officiers françois y avoient déjà introduit le goût des plaisirs. Occupés le matin à faire, l’exercice l’après-dîner les soldats jouoient'la comédie. Un quartier de casernes venoit 'd’étre changé par eux en salle de spectacle. N’ayant pu trouver dans ta ville des femmes capables de remplir les rôles- «de leur sexe ; ils les faisoient jouer à ceux de leurs camarades qui, par leur jeunesse, par la douceur de leur physionomie et la fraîcheur de leur tein, pouvoient prêter davantage à l’illusion. Ces actrices d’un nouveau genre ajoutaient quelque chose de très-piquant à l’intérêt ou à la gaieté du spectacle. Quantaux acteurs, quelques - uns avoient réellement pour la comédie un talent distingué; et je me rappelle qu’un- d’entre eux joua si supérieurement le Figaro du Barbier de Sèvïlle, qu’au Cap et dans son corps pn ne l’appella plus que Figaro. Ces divertïssemens ingénieux' m’amusoient beaucoup, je l’avoue ; mais ce qui m’en plaisoit davantage, c’étoit de les voir transplantés en Afrique, c’est à-dire, dans le voisinage des lions , des panthères et des hiennes. Pour lès Créoles, qui jusqu’alors n’avoient encore rien vu de semblable, ils étaient dans l’ivresse. D’entretien principal des sociétés de la ville né rouloit plus que sur les pièces françoises ; on ne s’occupoit plus qüè des comédies françoises : c’étoit un engouement universel. Pour ajoutes au plaisir général, les femmes les plus distinguées se faisoient un devoir de prêter aux soldats1 acteurs et actrices tout ce qu’elles avoient ën dentelles, bijoux, riches étoffes et ajustemens précieux; mais quelques-unes aussi eurent lieu de s’en repentir, et il arriva plus d’une fois que la noble comtesse Almaviva ayant laissé en gage à la cantine ses parures d’emprunt, les personnes qui les lui avoient confiées se virent obligées, pour les ravoir, .d’aller payer le tabac, l’eau-de-vié et toutes les dépenses de l’héroïne. Au milieu de l’ivreske et de l’effervescence-que causoient ces amusemens, l’amour aussi jouoit son jeu; et de tems en tems éclataient certaines intrigues scandaleüses qui venoient alimenter la médisance et désoler les fa-milles. Il est vrai qu’à travers toutes ces aventures l’hymen vint souvent aussi reparer les sottises de son frère, et que de son braconage résultèrent beaucoup a ij
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