paires de tourterelles, d’une espèce particulière, et que je n’avois encore vue nulle part. Quelque plaisir que me fit une pareille acquisition, je ne voulus néanmoins accepter qu’une des trois paires, parce qu’elle suffisoit à nos plaisirs ; et je. priai mon génçreux hôte de me conserver les deux autres jusqu à mon retour ; quoi- qu’intérieurement je fusse très-resolu a ne point revenir. Èn passant les habitations d’Is.aac Fesassi et dé Gerit Schmit, il me fallut essuier encore de nouvelles persécutions d’invitation ; mais n’ayant pas , pour accepter celles-ci, les mêmes motifs que chez Jlaanekam, je m’y refusai opiniâtrement. Je no. connoissois pas 'de plus grand supplice que ces invitations, et toutes les. fois que je passois dans Îe domaine, d’un colon, la fièvre me saisissoil; à ja vue du maître dont je savois d’avance le compliment : il iahoit coucher à la maison, boire et s’empiffrer le long du jour. Je n’etois, occupé durant ma route qu’à chercher des faux-fuyans pour échapper à la poursuite de ces bonnes gens, et je n’os.ois ni m’arreter, ni camper auprès d’eux; un voleur m’eût pas évite, avec plus de soin leur [approche. Combien de fois, en interrogeant mes compagnons, j’ai soupiré après le moment où je vèrrois derrière moi la dernière maison de cette colonie trop hospitalière. Je liâtois ma marche autant qu’il m’étoit possible, et voulois dépasser le X ru y s. Cette précipitation n etoit pas non plus sans dangers. Je l’appris à mes dépens, puisqu’il faillit à m en coûter la vie. J’étois à un quart de lieue de la rivière quand la nuit vint me surprendre ; plus prudent, j’aurois campé où je me trouvois; mais le chemin m’ayant paru bon tout le jour, j’imaginai qu’il le seroit jusqu’aux bords du Kruys. J’ordonnai à mes gens d’avancer ; pour moi, qui avois triplé la route en chassant continuellement, la fatigue ■ m’avoit surpris.; je montai dans mon chariot et me jettai'Sur mon matclat pour me reposer un moment. . Le Hottentot qui étoit au timon et qui conduisoit l’arrière , descendit de son siège et marcha à côté de ses boeufs ; son camarade qui étoit à l’avant et qui conduisoit la première couple , s’éloigna des siens ; il ne voyolt point à les diriger sûrement; le terrain à l’approche de la rivière devenoit de plus en plus escarpe, glissant et rapide ; tout-à-coup unô saccade violente fait peser le chariot sur les Humus ; il roule avec l’attellage en désordre jusqu’aux bords de la rivière sans qu’aucun de mes Hottentots ne puisse l’arreter ou seulement en changer la direction. A ce mouvement , aussi accéléré que subit, je cherche, mais en vain, à m’elancer; je me crus précipité parmi des rochers. Malgré ma frayeur, je conserve encore assez de sang-froid, pour parer autant qu’il est en moi, au dernier des malheurs, et faisant avec mes bras et mes jambes, dans la cariole , où je me vois enseveli, autant d arcs-boutans pour éviter les contusions à la tête, j’attends avec fermeté que le chariot s’arrête , ne trouvant plus à descendre. Cette position dura peu d’instans, mais elle étoit douloureuse.Rouler ainsi sans savoir ou l’on va, parcourir enfermé dans une charrette au sein des tenèbres , abandonné des siens, pendant un espace assez considérable, et n’avoir d’autre choix que de se fracasser,ou de se noyer, il y alà de quoi ébranler tout au moins le courage le plus héroïque. . ' Mes gens, alarmés autant pour eux que pour moi, des suites d’un accident aussi fâcheux, accouroient à toutes jambes pour me secourir; mais ne pouvant aller aussi vite que le chariot, et 1 obscurité, dans un chemin à peine frayé, leur dérobant la trace de celui que je venois de parcourir, je les entendis-m’appeller à grands cris et se parler eux-mêmes entre eux, comme s’ils avoient été dispersés, Je leur répondois-, et les appellois à mon tour ; mais soit épouvante de leur part, soit la crainte de me voir fracassé, je n’èn étois pas entendu , et leurs cris étouffoient les miens. Tout ce bruit étoit encore augmenté par le roulis des.deux autres chariots qui arrivoient aussi avec précipitation a 1 inévitable rendez- vous, mais dont- les conducteurs plus soigneux près de leurs attellages , n’avoient pas laissé de modérer l’effort. Enfin, on se réunit : la joie de mes compagnons fut extrême quand je lès eus assuré qu’il ne m’étoit rien arrivé de fâcheux. Il n’en étoit pas ainsi des chariots ; le mien sur-tout, avoit seme la plupart O a
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