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moi un motif de les rechercher, dans celle - c i, ils ne m’étompt agréables que par leur saveur exquise ; et, au reste , avec les facilités que m’offroit leur multitude immense, il me suffisoit de quelques coups de fusil tirés dans un buisson , pour fournir abondamment pendant tout urt jour aux provisions de ma cuisine et à celle de mes gens.. ; ' . ' Leur affluence dans ce lieu m’étonnoit d’autant plus, que je remarquai beaucoup-d’oiseaux de proie du genre des éperviers qui leur livroient une guerre cruelle. La-vallée étoit peuplée aussi d une quantité énorme de serpeus verdâtres, longs de quatre à cinq pieds ; c’étoit l’humidité du terrain qui avoit attiré là, et multiplié à ce point ces reptiles. Leur multitude et leur grandeur m’inquietoient beaucoup , et j’étois d’autant plus fondé à les croire venimeux, que mes chiens, qui ordinairement me précédoient toujours dans les brouss a i l l e s , a l o r s se rangeoieut tous trois derrière moi, et sembloient ne s’avancer qu’avec crainte. Pour m’assurer de ce que j ’avois à redouter deces ennemis, j’en tuai un, et à l’inspection de sa bouche je vis avec joie, qu’ils n’étoient point dangereux. Pour cette fois mes chiens s’étoieut trompés, leur instinct se trouvoit en défaut; et j ’attribuai cette erreur à l’altération insensible que subit nécessairement par Y éducation, cette espèce de nos animaux domestiques; très-certainement des chiens sauvages ne s’y seroient pas mépris. ^ | Un autre sujet d’inquiétude m’allarmoit encore , et celui-ci me paroissoit fondé ; e’étoit de manquer d’eau sur la cime de ces montagnes que je me proposois de parcourir, pour me rendre au promontoire d’Afrique. Je craignois d’être obligé de renoncer a mon projet, pour ne pas m’éloiguer des sources et des ruisseaux , ou de descendre sans cesse des hauteurs pour nous-désaltérer dans les vallées ; ce qui eût entraîné à-la-fois, ut beaucoup de fatigues , .et beaucoup d’ennuis. Déjà, nous n ’ a v i o n s que trop à souffrir des montées et descentes continuelles qu’exigeoit notre passage d’une montagne à une autre, sans me voir forcé encore à répéter plusieurs fois le jour cet exercice pénible sous un soleil brûlant ; heureusement il ne fut point nécessaire. Pendant les cinq jours que dura mon voyage, je trouvât dans les fentes et lés creux des roches que je parcourois, une excellente eau de pluie; et ces petites citernes naturelles se trouvaient toujours , et assez multipliées, et assez abondantes pour fournir à tous nos besoins. • . Du pied de la Table à la pointe d’Afrique, on ne compte ordinairement que huit lieues par la route ordinaire ; moi, par les détours, j ’en avois bien fait, vingt-cinq à trente ; mais je n’éprouyaLaucumr:pçom- bre, et j ’arrivai enfin, à ce promontoire redoutable, le plus célèbre et le plus orageux de tous ceux de l’ancien monde. Les dangers de la mer presque toujours en fureur, l’avoit fait appeller par les premiers navigateurs Portugais, Cap des tourmentes; nom funeste auquel ils substituèrent bientôt le nom plus consolant de Cap de Bonne- Espérance, quand , en ouvrant à leurs yeux l’océan Indien, il offrit à leur cupidité barbare la possession et les trésors de la plus riche contrée du globe.. Placé dans le lieu de l’univers le plus favorable, peut-être, aux grands spectacles de la nature, j ’avois à ma droite l’Atlantide, à ma gauche la mer des Indes, et devant moi celle du Sud, qui, venant avec fracas se briser à mes pieds, sembloient vouloir attaquer la chaîne des montagnes, et engloutir l’Afrique entière. Pour rendre plus magnifique l’effet sublime de çe tableau, je n’avois qu’un voeu à faire , celui d’être témoin d’une de ees tourmentes qui firent donner au promontoire sa première dénomination. Pendant quelques heures j en eus l’espérance à l’aspect des traînées de brouillards que le vent enlevoit de la surface des eaux ; mais bientôt mon attente fût trompee, et l’air devint si pur ét si calme , qu’à l’extrémité orientale de la Baie- Falso, je distinguai très-nettement ce fameux Cap des Aiguilles, qui, lorsque des pilotes ont le malheur de se tromper dans le calcul de .leur longitude, les expose à un naufrage certain , et où Tinrent échouer, entre autres, les ambassadeurs envoyés par le roi de Siam , au roi de Portugal.- Cependant, malgré le calme qui règnoit dans l’air,la mer ne laissait pas d’avoir quelque agitation. Son affluence opposée à plusieurs courans contraires, la rendoit clapoteuse. Ses lames n avoient point I a


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