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ami étoiit encore tonte meublée, et iln ’avoit emporté avec lui que ce que le voyage lui rendoit absolument nécessaire. La vente se fit enfin, et elle servit plus que toute autre chose à montrer la considération dont avoit joui généralement l’ex-fiscal. Le désir que chacun eût de posséder quelques-uns des effets qui lui avoient appartenu, les fit pousser bien au - delà' de leur valeur réelle. Ses amis sur-tout se disputèrent ceux des meubles qui ser- voient particulièrement à son usage. Tous se firent un" devoir d’en posséder au moins uù; et je vis aveé la pins grande satisfaction, chacun d’eux, en l’emportant, regretter le maître qui l’avoit laissé. Avant que l’on ne vendit ses effets, le colonel Gordon m’avoit pro <• posé de l’accompagner dans une opération qu’il vouloit faire pour vérifier la position de la montagne du Piquet, par rapport à celle de la-Table. Dès qu’on sut dans la ville son projet, plusieurs officiers des différens rëgimens de la garnison lui demandèrent de l’accompagner. Les uns étoient des curieux qui vouloient jouir du spectacle de son travail ; les autres des oisifs qui cherchoient à employer une journée. Ceux-ci, ne désiroient que le coup-d’oeil d’une vue magnifique ; ceux-là, de pouvoir dire, à leur retour en Europe, qu’ils, avoient monté sur la fameuse'Table. Quoiqu’une pareille troupe dut être plus incommode qu’utile, il l’admit cependant; et nous partimes âu ‘pbint du jour, avec lés instrumens nécessaires. Unhazard heureux favorisa notre opération : le ciel, pendant la journée entière, fût parfaitement -ptti; et, ce qui est infiniment rare, il ne nous Opposa pas un seul nuage sur la Table. Pour moi-, j ’eus à me féliciter d’un bonheur particulier ; celui de voir et de tuer, sur le plateau de la montagne, un oiseau d’espèce nouvelle, que jusqu’à ce moment je n’avois point encore apperçue en Afrique , et que je n’y ai jamais revue depuis : c’étoit un merle de ’roches. Je l’ai apporté en Europe. Il fait aujourd’hui partie de mon 'cabinet, et'formei’a dans l’ Ornithologie que je vais publier bientôt-, une nouvelle espèce intéressante, qui mérite d’être connue des naturalistes. ’ Un E N A F R I Q U E , 57 Un oiseau tué si près de la ville, et nouveau néanmoins pour tous les habitans du Cap, ne devoit être sur la Table qu’un étranger. Je soupçonnai qu’il pouvoit y, être venu de cette' suite de roches et de montagnes, qui, par leur ressemblance avec celles du nord de l’Europe, sont appellées Montagnes de Norwège, et qui, se détachant de la Table , vont, en se dirigeant au sud jusqu’à la mer, former ce qu’on appelle la Pointe méridionale d’Afrique. Plusieurs personnes avoient eu la curiosité de visiter cette pointe ; mais elles ne s’y étoient rendues que par les bords de la mer, ou par la route de Constance et de la Baie-Falso; moi, je voulois y aller par la crête même des montagnes. Une entreprise aussi nouvelle sembÎbit me promettre des objets inconnus et curieux. Je n’avois à redouter dans mon voyage qu’une extrême fatigue; et la considération d’un pareil inconvénient n’étoit point, faite pour m’arrêter. Un ami me prêta deux de ses Nègres, j’y joignis un Hottentot, et leur distribuai à porter entre eux ma canonnière, ma carabine, un manteau, des munitions de chasse, quelqueavivres seçs, en un mot, ce qui me paroissoit absolument indispensable.; car, devant toujours monter et descendre, il ne nous falloir rien d’embarrassant. Moi, je portois mon fusil à deux coups , j’avois deux pistolets à ma ceinture , et j’étois suivi de trois chiens, l’elite de ma meute. Ce fut dans cet équipage et par le plus beau tems du monde, que je me fendis sur le sommet de la Table. Vue dans l’éloignement, et à une certaine distance , la montagne paroît se terminer en plateau, et telle est l’origine de ce nom de Table que lui ont donné lès voyageurs et les marins. Cependant il s’en faut bien( et je l’ai déjà dit j que son sommet soit une plaine; sillonné dans toute sa surface par d’énormes cavités, il est hérisse, en. même tems, d’aspérités, de proéminences, de hautes roches qui, par leur altération et leur éboulement, attestent combien l’action des météores lui a fait perdre de sa forme primitive. Sa face la plus longue, est celle qui regarde la ville. Dénué d’instrumens , il ne m’étoit guère possible d’en mesurer exactement 1 etendue ; je le tentai néanmoins, eu la parcourant plusieurs fois à pied ; et chaque Tome 1. U


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