S8 V O Y A G E qui venoient chaque matin, à l’heure indiquée la veille, suspendre, par une douce harmonie, les songes de notre marchand de vin. De retonr à Constance, nous trouvâmes lé prince un peu humanisé ; il s’étoit apparemment apperçu de l’effet qu’avoit produit sur mon compagnon et sur moi l’appareil de sa grandeur postiche; il craignoit, à bon droit, qu’arrivés au Cap, chacun de nous s’empres- ' sût d’en réjouir la ville; avant de partir, il nous donna pour vin de l ’étrier, celui même qu’on appelle vin de réserve: liqueur précieuse devenue célèbre en Europe, et qui souvent prête son nom à beau-' coup d’autres qu’on nous présente avec ostentation. Ce que je viens de dire sur la sotte et repoussante fierté des colons voisins du Cap, ne doit cependant pas s’appliquer à tous. Il en est parmi eux auxquels ce reproche ne convient nullemeAt; et dans ce nombre je compte spécialement le colon Beckker. Sa mai- éon est le séjour de la cordialité, de la franchise. Jamais un étranger honnête ne se présente chez lui, qu’il ne soit accueilli avec toutes les prévenances de la politesse la plus douce à la fois et la plus généreuse. Il est vrai que le colon Beckker n’est point né au Cap; je le crois Allemand. En pénétrant dans l’intérieur des terres, on trouve les colons cultivateurs qui, par leurs moeurs, leurs lisages et le genre de leurs travaux , forment une classe particulière, distincte de, celle que je viens de décrire. Plus éloignés du Cap, et par conséquent moins à portée de commercer de leurs denrées, ceux-ci sont moins riches que les premiers. On ne voit point chez eux ces maisons de campagne si agréables qui, placées à différentes distances de la ville, embellissent au loin son passage et lui forment les perspectives les plus riantes. Leur habitation est un grand hangard, couvert de chaume, et dont l’intérieur est partagé en trois parties égales , par deux cloisons qui ne s’élèvent que jusqu’à une certaine hauteur. La pièce du milieu, qui est celle par laquelle on entre, sert en même tems de salle à manger et de sallon. C’est là que pendant le jour se tient toute la famille, c’est là qu’on prend le thé et qtron reçoit les étrangers. Des deux pièces collatérales , 1 une forme la chambre à coucher des enfans mâles, l’autre celle du.pere, de la mère et de leurs filles. Une troisième pièce, adossée à la pièce du milieu, sert de cuisine ; d’autres corps de logis forment les écuries et les granges. g { xî Telle est la distribution la plus généralement suivie dans 1 arrondissement des colonies intérieures. Cependant, si l’on s’éloigne encore plus vers la frontière, là, l’aisance en étant moindre, le logement a moins de commodités. Il consiste dans un hangard sans division, et ne formant qu’une seule pièce , dans laquelle toute la famille vit réunie, sans se séparer ni la nuit ni le jour : on couche sur des peaux de moutons qui servent aussi de couvertures. L’habillement des colons se ressent de cette simplicité ¡rustique. Pour les hommes, c’est une chemise de toile de coton bleue, un gilet à manches, une grande culotte, un chapeau a moitié détroussé; pour les femmes , un jupon , un casaquin juste à la taille , et un très-petit bonnet rond de mousseline. A moins d une parure extraordinaire, les uns et les autres ne portent point de bas. Les femmes marchent même pieds nuds pendant une partie de 1 année. Quant aux hommes, leurs travaux exigeant une chaussure , ils s en font une avec un morceau de peau de boeuf appliquée et moulée sur le pied , lorsqu’elle est encore fraîche. Ces sortes de sandales sont la seule pièce de leur habillement qu’ils fassent eux-mêmes > tout le reste est l’ouvrage des femmes qui taillent égalemet et travaillent toute leur garde-robe. Au reste, quoique ce soit là 1 accoutrement journalier d’un colon, il a. cependant un bon habit de drap bleu, -qu’il porte les jours de cérémonie et de représentation. Il met aussi alors des bas et des souliers, et s habille entièrement à l’européenne ; mais, tout cet étalage ne se déploie que quand on va au Cap , encore n’a-t-il : lieu qu au moment ou 1 on est prêt à entrer dans la ville. C’est ordinairement dans ces voyages qu on acheté de quoi re- nouveller sa gardo-robe» Il est au Cap comme aux pilliers des ïialles,
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