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a.6 V O Y A G E que pour y étudier la nature, j’ai pourtant une fois subi l'impertinence de leurs réceptions, et appris, par expérience, à les con» Koître. L’aventure est plaisante. Long-tems j ’en ai ri avec Boers; mais ce n’est qu’en passant que je la raconte ici. Un jour que mon ami m’avoit conduit dans le fameux vignoble de Constance et chez le colon qui en est propriétaire, celui-ci nour- «eul'ement nous avoit reçu avec oes humbles prévenances, ces hommages respectueux que témoignent tous les habitans tle la colonie aux premiers magistrats de l’administration ; mais il s’étoit empressé de nous montrer, dans le plus grand détail, ces vastes caves où peuvent entrer des voitures toutes chargées, ces tonneaux à cercles'de cuivré bien luisant et ces différens vins, avec l’acte de leur âge bien légalisé. • ■ Cet homme se nommait Cloete ; ses affaires l’amenoient souvent à la ville : rarement il s’abstenoit de venir faire sa cour au fiscal ; il avoit affecté dans ses visites, de m’irrviter à revenir le voir à Constance. Peu sensible à la beauté d’une cave ou d’un tonneau , jë ni’étois toujours excusé de répondre à ses sollicitations; mais un jour il renouvella sa prière avec des instances si pressantes, il me proposa si affectueusement une grande chasse dans laquelle ses fils m’accompagneraient, où lui-même de voit me procurer beaucoup d’amusement, sans qu’il m’en coûtât aucuns fraix ni préparatifs, qu’enfin je me làissai vaincre et pris jour avec lui. Je tins parole et me rendis à sa campagne, accompagné de Lar- cher, l’un des amis de Boers ; mais quelle fut notre surprise, lors- qu’en entrant chez notre hôte nous vîmes déployer, pour nous recevoir, un air de grandeur et de suffisance, de protection même qui contrastoit singulièrement avec le ton humble et soumis qu’il avoit chez le fiscal ; apparemment que le petit potentat , une fois rentré dans ses domaines, et s’y trouvant pins à l’aise, oublioiten un instant et la ville et ses supérieurs. Mon compagnon et moi, noiis ne pouvions qu’être extrêmement surpris de cet accueil insultant. J’avoue que dans ce premier mouvement de déplaisir et de dépit, j ’hésitai pour rester ou pour par* E N A F R I Q Ü E. z 7 tir ; et, consultant sur cela les yeux de mon ami qui, de son côté , sembloit interroger les miens, je n’attendois que. le signal pour prendre une détermination ; mais quand la réflexion nous eût calmés l’un et l’autre, il nous parût, beaucoup plus simple de rester et de nous amuser même des hauteurs dé ce prince-vigneron. ,Le souper qu’il nous donna fut splendide : abondance et variété de mêts, élégance dans la décoration, rien n’y manqua. Il dé- ployoit à nos yeux cette magnificence et ce faste pour nous éblouir et nous rappetisser ; nous entrions, nous pauvrets, pour si peu dans tout son étalage, qu’il ne nous fît servir que du vin ordinaire du pays, tandis que l’impudent lampoit sous nos yetix le Bordeaux, que lui servoient ses esclaves. S.ortis de table et retirés dans notre appartement, cette aventure nous parut encore plus plaisante qu’elle n’étoit grossière ; nous formions cependant le projet de nous en venger et de lui donner, avant de le quitter , une leçon salutaire ; c'est au Cap que nous l’attendions, pour-lui offrir, en retour de son vin de Bordeaux,: quelque piquette détestable, qui servit du moins à rafraîchir l’orgueil niché dans le cerveau de ce Jupiter africain. Mais quelle fut notre surprise, lorsque nous nous éveillâmes : une musique délicieuse se faisait entendre sous nos fenêtres ; ravis de cette féerie agréable, nous cherchions à en deviner la cause ; nous nous demandions mutuellement comment ce satrape qui, la veille, s’étoit montré si peu hospitalier et si hautain, pouvoit affecter tout à coup des attentions si séduisantes? Nous supposions ou que ses accès de morgue ne duraient qu’un jour, ou que, revenu pendant la niiit de son ivresse passagère , il vouloit aussi nous en faire oublier les déplaisirs. Nos conjectures, ainsi que nos éloges, ne durèrent pas long- tems ; ce n’étoit pas poux nous, mais pour lé maître que les musiciens faisoient raisonner ces accords, et ce n’étoit pas d’aujourd’hui qu’ils en frappoient les murailles du palais. L’illustre colon avoit coutume de se faire ainsi réveiller tous les jours;' '1 s’étoit procuré dès long-tems parmi ses esclaves Une quinzaine de flûteurs D a


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