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tout eé qui sert aux besoins et aux douceurs de la vie. L’attrait de ces lieux se fait à péine sentir qu’on y youdroit fixer à jamais sa demeure ; les habitations y sont plus rapprochées 5 elles s’y amassent insensiblement 5 je ne désespère pas qu’ils n’offrent bientôt le spectacle d’une seconde ville dans la colonie , et qu’enfin la vallée des Vingt-quatre-riyières ne devienne un jour la terre la plus riche et la plus peuplée des environs du Cap. Je me proposois, comme je l’ai dit, de revenir à.la ville par le Swaxt-Land et de passer quelques jours chez mes bons amis, je dois dire chez mes bons parens, lesSlaber. Entre autres divertissemens auxquels nous avions coutume de nous livrer ensemble, il en est un qui m’étonna étrangement lorsqu’on me l’eut propose et que j en eus fait l’épreuve. On me promit de me procurer des oiseaux qui m’étoient inconnus ou qui niânquoient à ma collection. Toutes les fois qu’il s’agissoit de quelque nouveauté en ce genre , j ’étois aussitôt préparé qu’averti. Je saisis donc mon fusil et me mis èn devoir de sortir ; « Non , non, me dit-on , laissez vos armes ; elles nous gêneroient ; la chasse à laquelle nous vous invitons est nouvelle pour vous, et vous n’y brillerez pas ; allons labourer ; suivez nous ». Mon guide attela les boeufs; nous partîmes : lui, avec ce long et énorme fouet dont se servent les colons et que j ’ai décrit ailleurs ; moi, avec un simple bâton qui me servoit de canne. Il prit en main la charrue et se mit à tracer un sillon. A peine eut-il tranché la terre, que je vis arriver de toutes parts une multitude immense de petits oiseaux qui voltigeoient jusqu’auprès du soc même, et qui le suivoient avec avidité. Que croiroit-on que cherchoient ces oiseaux pour n’être effrayés ni par l’instrument qui marchoit, ni par les hommes qui le dirigeoient ? Hélas ! ils fondoient sur la terre éparse, pour y dévorer des Gréatures animées , comme eux, des chrysalides , dès vermisseaux, tous les insectes que le soc mettoit à découvèrt. Ce spectacle inattendu me ravit d’aise. Il me restoit encore une autre épreuve à faire : les mains vides et sans armes, je me voyois réduit à contempler ces mangeurs d’insectes sans pouvoir m’en procurer un ¡seul, Ce§ oiseaux îuoient des animaux plus foibles qu’eux; 'j’aurois voulu tuer des oiseaux; derrière moi peut-être quelque bête plus féroce encore lorgnoit de loin sa proie. Sans autre préambule , Slaber me demande tranquillement, quel est parmi ces oiseaux celui que je désire; j’en désigne un à tout hasard et crois qu’on me persiffle : aussitôt déployant son fouet immense, c’est celui - là même qu’il atteint dans la foule. Vingt fois de suite je mets son adresse à l’épreuve, et vingt fois l’oiseau indiqué est abattu d’un seul coup. Au reste, quoique cette habileté à manier un long fouet soit le partage de presque tous les colons, j avoue que Slaber étoit un virtuose en cette partie, et <jue je n’ai vu personne dans la suite à qui cet exercice fut plus familier ; il entre dans l’éducation de l’enfance chez les colons, et je crois qu’il vaut bien les jeux imbécilles de nos collèges. Je reviendrai plus bas sur ce point, qui mérite d’être traité plus au long. Cependant il y a des cantons où cet exercice est plus ou moins perfectionné. Tous les colons n’ont ni les mêmes occupations, ni les mêmes usages. A la vérité, ils mènent, pour la plupart, une vie uniforme et simple ; il existe entreeux tous, des points de contact et des habitudes de ressemblance ; d’un autre côté , ils diffèrent selon leur origine, et quoique la monotonie de leur vie s’étende à la surface entière de la colonie, et qu’ils ne doivent par conséquent offrir, an premier aspect, aucune observation piquaifte au voyageur ; cependant on y remarque des nuances quïméritent d’être recueillies et qui peuvent servir à faire connoitre de plus en plus cette nation neuve encore. On peut diviser les colons du Cap en trois classes ; ceux qui habitent dans le voisinage du Cap jusqu’à une distance de cinq à six lieues ; ceux qui sont plus éloignés et qui vivent dans l’intérieur des terres ; enfin ceux qui, plus reculés encore, se trouvent à l’extrémité sur les frontières de la colonie, parmi les Hottentots. Les premiers, possesseurs de propriétés opulentes ou de jolies maisons de campagne, peuvent être assimilés à ce que nous appel- lions autrefois dé petits seigneurs terriers, et diffèrent beaucoup.des autres colons par leur aisance et par leur luxe, sur-tout par leurs


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