quoique je n’eusse communiqué avec ces colons que l’espace do quatre heures seulement, il sè répandit dans mon équipage un tel esprit d insubordination, qu’il fallut toute ma fermeté pour y rétablir l’ordre et la bonne intelligence ; c’est à cè moment fâcheux , à ces germes d’une communication dangereuse que je dus le malheur de n’avoir pas visité la Caffrerie, -contrée si intéressante et que je regretterai toute ma vie de n’avoir pas connue , pays très- c'urieux et qui mérite à lui seul nu voyage ! Mais comme il entroit dans mon plan général de visiter ici la colonie proprement dite et d’étudier l’humeur de ces hommes moitié sauvages, moitié policés," je ne pus me’ défendre d’en courir les hasards ; seulement je me livrai à des précautions particulières et ne m’associai que des Hottentots dont je n’avois rien à craindre ou que je pourrois renvoyer dans la suite. Cette petite incursion devint de jour en jour .plus intéressante â mes yeux ; elle étoit, en quelque sorte , l’encadrement du grand tableau que je m’étois promis d’esquisser; C’étoit peu d’avoir fait quelques promenades pendant mon séjour au Cap, dans les habitations voisines de cette ville , il falloit pénétrer plus avant, parcourir le gros de la colonie dans tous ses sens, en lever , s’il étoit possible , un plan topographique. Un rayon de quarante ou cinquante lieues de pays à visiter, ne m’éloignoit pas assez du Cap pour m’empêcher d’y revenir dès que je le désirerois, et nulle autre occupation dans ce moment ne sem- bloit mieux faite pour me dédommager du chagrin que me cau- soit la suspension de mon voyage dans le désert. C’est à cette petite entreprise que"je m’associai Swanepoel; je l'emmenai avec d’autant plus de confiance, que je la regardois comme une promenade sans fatigue et sans de grands dangers. Je lui donnai quelques jours pour aller partager avec sa famille le bonheur dè la liberté que lui avoit-donnée mon ami, et lui assignai son retour comme le signal du départ. Il fut exact. A peine arrivé, nous montâmes à cheval ; je partis sans autre apprêt et sanS autre équipage que celui qui est indispensablement nécessaire lorsqu’on veut passer quelque tems à la campagne. Swanepoel connoissoit noissoît parfaitement la colonie;, il m’avoit. conseillé de ne point me surcharger d’un attirail inutile., m’assurant qu’il trou ver oit eij tout cas les moyens de pourvoir à tous mes besoins, et que je ne manquerais pas de rencontrer par-tout la plus douce et la plu§ franche hospitalité. L’usage de cette vertu précieuse et presque bannie de toute la terre étoit bon pour moi dans cette circonstance , mais eut été funeste à mes autres compagnons, qu’il eut dégoûté des fatigues qu’ils avoient à partager avec leurs chefs, et les aurs roit infailliblement empêché de me suivre. J’entamai la route par la Hollande-hottentote ; de là je me pro- posois de parcourir tous les points de la colonie, jusqu’aux Vingt- quatre -rivières , de revenir ensuite au Çap par le Swart-Land, où. je me serais encore une fois reposé chez mon incomparable ami Slaber. Je n’entrerai dans aucuns détails trop étendus sur les productions des divers cantons, sur la culture et beaucoup d’autres objets que j’ai déjà traités; je dirai quelques mots des hommes et de leur manière de vivre. Je lie puis cependant me défendre en passant d’arrêter mes regards sur cette source précieuse des eaux thermales où la Compagnie a pratiqué des bains pour les malades, et que , pour cette raison, l’on nomme bains chauds. C’est-là que Boers , dans un état désespéré, abandonné des médecins, avoit recouvré la .santé. J’aurois voulu bâtir un temple dans cet asile, où avoit été sauvé ■un ami que la mort poursuivoit depuis long-tems ; je l ’aurais entouré d’une barrière ; je l’eusse "déifié. A.ux siècles magiques et charmans de la mythologie, dans ces tems de fictions, souvent aussi profondes qu’elles étoient ingénieuses, où les fleuves, les rivières , les ruisseaux, les fontaines avoient chacun leurs emblèmes cachés, et, appeloient, sous divers rapports; l’image d’une divinité bienfaisante, j ’aurois offert à la naïade de ces lieux un hommage que la postérité aüroit peut-être consacré. En visitant le Fransche-Hoeck., je ne revis pas non plus sans in- tétrêt cette race de réfugiés françois, naguère persécutés dans leur injuste patrie, dépouillés, proscrits, avilis, chassés par elle comme Tome I. C
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