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avoit été condamné à finir ses jours dans l’île Roben ; il y vi- voit depuis plusieurs années quand la déclaration de guerre entre l ’Angleterre et la Hollande obligea d’évacuer cette île et de transporter les bannis - prisonniers dans les bâtimens de la Compagnie.. Ce fut dans ces circonstances que j ’entrepris mes premières courses : j ’ai assez parlé de lui dans le récit que j’en ai donné au public ; il avoit trop bien rempli le rôle dont il s’étoit chargé dans ma caravane , pour que son délit qui m’étoit connu ne fut dès long- tems expié dans mon esprit. Le fiscal, mon ami, qui avoit pris des renseignement satisfaisans sur le compte de ce vieillard, n’attendit pas que j ’en fisse l’éloge : adoucissant exprès pour moi les loix dont il étoit l’interprète , il m’accorda la liberté de Swanepoel pour tout le tems où j ’aurois besoin de cet homme pendant mon séjour en Afrique. Je promis de le représenter à mon retour au gouvernement; mais bientôt, par une générosité à laquelle je n’avois pas lieu de m’attendre, Boers lui donna sa liberté toute entière. Il fit plus : sensible et touché jusqu’aux larmes des détails dans lesquels je venois d’entrer à son sujet, il voulut récompenser sa fidélité envers moi par le présent qu’il lui fit aussitôt d’un bagage complet , et l’ordre qu’il donna de lui compter sa paie pour tout le tems qu’il avoit passé avec moi. Telles étoient les délicates et prévoyantes attentions par lesquelles mes amis , à l’envie, cher- choient à encourager mon zèle , en m’attachant par tous les moyens les compagnons que je destinois à partager mes dangers ; et c’est ainsi qu’en rejetant adroitement sur moi tout le mérite des bonnes actions dont je n’étois que l’objet , ils insinuoient d’avance âmes Hottentots oet esprit de subordination et de dévouement, sans lequel un observateur en Afrique ne pourroit faire aucune tentative au-delà de la colonie. Pour comble de faveur, le fiscal me réserva tout le plaisir d’annoncer moi-même une nouvelle aussi douce à celui qu’elle inté- ressoit. A peine eus-je prononcé ces mots : tu es lihre, à peine éus-je commencé à raconter tout ce que mon ami venoit de faire pour un infortuné, que, ranimé par la reconnoissance, et comme reprenant une vie nouvelle, le vieillard se précipite dans mon sein qu’il inonde de ses larmes. J’étois étrangement ému et hors de moi-même ; il me sembloit que c’étoit moi qu’on arrachoit au bannissement et qu’on venoit rendre à la société : il est si doux de renaître* à l’honneur. Tous les maux qüe j ’avois éprouvés sur le Middelbourg se . retracèrent à mon imagination ; je me reportai à deux ans en arrière , à ce moment si malheureux où j ’avois eu besoin moi-même de la pitié des hommes ; circonstance si funeste qu’il ne me seroit jamais entré dans fesprit de penser que je pourrois un jour exercer la mienne envers autrui d’une façon à la fois si naturelle et si touchante ! Lorsque Swanepoel eut un peu calmé ses sens et qu’il fût en état,de m’entendre , je lui confiai mes projets et lui promis de l’emmener avec moi. A la vérité,, son grand âge et la fatigue du premier voyage, l’incertitude même ët les difficultés de celui que j ’al- lois entreprendre ne me permettoient guère de le conduire aussi loin ; mais la colonie m’offroit un assez vaste champ pour que je me mon-, trasse empressé d’user encore ufte fois de ses bons offices. Je m’en serois trop voulu à moi-même ,ldans le moment d’une joie aussi pure d’exposer ce vieillard à périr , lu i, à qui il restoit encore quelques jours paisibles et du moins honorés à couler au sein de sa famille. Il parut satisfait de l’offre que je lui fis de visiter ensemble la colonie ; ou, s’il éprouva quelque regret, en pressentant que je ne l’entraînerois pas plus avant, il eût grand soin de me le cacher , et même dans la suite il n’en marqua aucun mécontentement à mes autres compagnons de voyage. J’ai déjà exposé ailleurs les motifs qui pendant mon premier Voyage m’avoient déterminé invinciblement à m’éloigner des habitations de la colonie, et à éviter tout commerce avec les colons : outre les-embarras et les distractions inévitables que leurs visites eussent apportés à mes opérations, j’avois à surveiller un terrain considérable qui n’étoit jamais mieux en ordre que quand nous n’avions autour de nous aucuns voisins étrangers. On se rappelle combien j ’eus à me repentir d’une complaisance contraire à ces dispositions pour m’en être écarté une fois à Agter-Bruintjes-Hoogte :


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