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prix. Je jouissois un peu de son trouble, qu'augmentait encore le silence de tous ceux qui l’entouroient. Ilseroit, je crois, resté la nuit entière dans cette attitude, si je ne l’avois enfin arraché à son embarras. «A qui donc, lui dis-je, s’adressent ces objets ? » «Eh! c est à vous, me répond-il ; ce sont de ces animaux que vous aimez tant ! si j ’ai tardé à venir vous revoir, c’est que je n’aurois jamais voulu m’approcher de vous tout seul et sans vous montrer que je pensois à vous; mais j ’ai bien peur que ce que j ’apporte ne soit ni si beau ni si rare que les oiseaux que nous tuions là-bas. Qu’on juge de ma surprise et de ma joie lorsqu’à l’ouverture des deux paquets je vis une collection très-bien arrangée de jolis insectes et de quelques oiseaux écorchés avec beaucoup d’adresse et selon la méthode qu’il m’avoit vu tant de fois pratiquer dans les deserts ! J avoue qu aucun témoignage de faveur ou d'estime n’a jamais rempli mon ame d’un sentiment si pur et si délicieux que cette démarché franche et naïve de mon Hottentot,, et l’idée d’avoir uniquement occupe sa pensée pendant l’intervalle assez long de notre séparation. Bonne nation ! qu’ils viennent ces beaux esprits mettre en parallèle leur délicatesse ingénieuse et leurs procédés sublimes avec ce trait d’une amitié si simple et d’un sentiment aussi vrai. O mon cher Klaas, combien de fois attiré chez de beaux personnages, complimenté par les uns, caressé par les autres grandement distingué par tous, combien de fois au sein des faveurs et des brillantes promesses, j ’ai r’ouvert la boîte d’insectes et t’ai rendu grâce des courts mais délicieux instans arrachés à la chaîne des ennuis, alors que j ’en étais réduit à t’étaler mon savoir, souvent même à mandier tes éloges ! Klaas resta peu de tems auprès de moi ; son trésor déjà commen- çoit à 1 embarrasser. La femme que je lui avôis donnée, occupoit, en ce moment, son esprit ; il se montroit empressé de déposer dans ses mains sa richesse. Lorsque je me lus assuré que mes autres compagnons de voyage çà et là dispersés dans le voisinage de sa horde, vivoient heureux et tranquilles, que mes bestiaux étaient en bon état, mes chariots et mes ustensiles à couvert et bien soignés, E N A E R Ï Q U E . 9 gnés, que toute ma caravane , en un mot, n’attendôit qu’un signai pour se mettre en route; j ’embrassai mon fidèle adjudant et le laissai partir. Cette visite inopinée qui vënoit d’occuper toute la 1 société du fiscal, rappela le souvènir d’un autre compagnon de mes voyages : bon ami, serviteur fidèle, très-adroit, ingénieux en ressources dans des circonstances difficiles, et qui ; pîûs d’une fois, m’avoit tiré d’embarras. La compagnie entière voulut le voir; on s’achemina vers sa demeure comme pour lui annoncer le moment d'un départ;■ c’était à qui'lui porterait'cette bonne-nouvelle. On voit bien que je parle de mon singé. Il n’y avoit pôint de bonne fête s’il n’en était pas. Chaque jour n'eus étions dans l'usage, Boers et moi, au sortir de table, d’aller visiter Kées dans sa logé ; nous Importions du dessert et des fruits. Naturellement doux et-Caressant, il n’avoit rien des défauts de son espèce; il eut plutôt partagé ceux de son instituteur. Mais il éembloit^voir' reÇU dés-Vertus ; il était sensible aux amitiés qu'ont lui faiséit, ét très-fefeprésisé d’y répondre. Jè né cônnoissois'‘qu’une seule personne tjui!né pouvoitfrayer âvéô lui ; même il le haïssoit forteme&L G’éÿoît aïn officier du régiment de Pondichéri, qui logeoit, ainsi qué moi, chez Boers, et qui un jour,' pour éprouver l’affection que me portait mon siiige, -avoit feint !de nie frapper tan’sà’présencev'Refes, à'cétte vue, était entré eii fureur, et,' depuis té moment, ilâvôit pris l’officier en aversion. Du plus loin qu’i l l’appërcevoit, ses-èWs et son geste dénotaient àssëz-tôûte l’envie qu’il âvbit de me veiigér ; il grinçoit des dérits et Faisait de^ efforts pénibles pour s’élancer sur lui. En vain'- l’offenseur avoit plusieurs fois tenté par des friandises de fléchir cette taolère : lé ressentiment avoit làïSsé dans î ’amè de Kees une haiiife profonde1 (pii ne s’effaça de loïig-tems. Cette impuissance d’efforts, pour'laver mon affront, annonce que l'infortuné étoit dans lès fers; là cfaintë dé le perdre, m’avoit déterminé à ce moyen fâcheux ; s’il s’ëtoir échappé de Ja maison,: à coup sûr il m’eût été enlevé, ou. par des matelots qui l’aùroient emporté sur leur bord, ou par dés’ habifâns du Cap qui l’eussent Tome I. , .g


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