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rer sous les yeux de leur, maître. Tant de. soins, de. prévoyance et de délicatesse, me. rendirent enfin, mon retour agréable. La visite des caisses qui rentraient avec moi mit le comble à la satisfaction que je venais d’éprouver ; tout s’y trouva, également sain et brillant. Mes oiseaux, au nombre de mille quatre-vingts individus, etoient aussi frais que lorsque je les avois abattus et préparés; mes papillons avoient conservé toute leur pureté ; il n’y avoit pas même un insecte qui eut perdu une antenne ;• ce qui me ren- doit plus cher encore la méthode que j ’avois imaginée pour caser et transporter ma collection. J’ai décrit dans mon premier voyage l’espèce de caisse particulière que j ’avois composée à cet effet. L’ex- perience m’a si bien servi quq je ne puis trop souvent en recommander l’usage. Le bruit de mon retour se fut bientôt répandu dans le Cap, Une foule d’oisifs accourut 'de toutes parts pour demander à voir ce qu’on appelloit mes nouvelles curiosités ; l’embarras d?ouvrir et refermer confinueffement mes caisses me détermina à joindre ce surcroît, de richesses à, celles que feon ami avoit si ingénieusement disposées pendant mon absence, ; je commençai à classer non méthodiquement,, à la vérité , mais dans une série naturelle, par paire , mâle et, femelle , les. différentes espèces de mes oiseaux. Presque toute la maison, de Boers se métamorphosa en un cabinet d’histoire naturelle; ce genre de décoration aussi brillant que nouveau attira, bientôt tant de monde qu’on eut dit. que cette maison étoit le rendez-vous général de toute la ville èlle ne désemplissait pas ; mais ce qui fît connoître à quelle sorte de curieux j ’avois à faire et quelle espèce d’intérêt les arts et les sciences inspirent à ce peuple uniquement livré â ses spéculations mercantiles , c’est que lés objets devant lesquels on s’extasioit davantage, appartenoient souvent à des cantons très-voisins de la ville, et qu’il n’y avoit pas un habitant du Cap, qui, dans ses courses les plus ordinaires,n’eut pu se monter un cabinet très-précieux pour tout autre qu’un Africain. Et vraiment, si la nature fait naître à chaque instant un miracle sous nos pas, peut-on se montrer si indifférent pour son culte immortel, et. comment l’amour de l’or peut-il remplacer le bonheur que la découverte d’un seul de ses secrets nous procure ! Néanmoins parmi ces curieux, plusieurs questionneurs ne lais- soient pas que de flatter, en quelque sorte, ma sensibilité ; à la vue des raretés que je rapportois de si loin , je remarquois beaucoup moins d’intérêt pour les fruits du voyage que pour le voyageur même. On concevoit à peine que j ’eusse échappé à tant de périls qu’on m’avoit exagérés autrefois; et si, comme Ulisse, j ’avois retrouvé ma famille dans le Cap, le bruit de ma mort qui s’étoit accrédité dès long-tems m’aurait donné peut-être plus d’un aspirant à combattre, et plus d’un Eumée à séduire. Toujours est-il vrai que le plus grand nombre, traitant de niaiseries et de futilités mes travaux, revenoit souvent mè fatiguer par cette question : « Avez-vous trouvé quelque mine d’or ? » C’é- toit de l’or qu’il falloit à ceux-là : un sable de cette matière dominatrice , l’eut emporté sur le plus doux sentiment ; tout voyage dont on ne rapportoit pas de l’or étoit à leurs yeux nne perte de tems douloureuse. Cette passion de l’or tient en contact tous les Hollandois dispersés. En effet, il me souvient que dans ma première jeunesse , lorsque mon père m’emmenoit avèc lui loin de la colonie, et que nous rapportions à Paramaribo quelques objets intéres- sans pour orner son cabinet , les habitans ne manquoient jamais de nous demander pourquoi nous n’avions pas rapporté de l’or. J’avoue qu’à la loiigue il se rencontra quelques amateurs instruits , dont le suffrage me dédommageoit un peu de cette, redondance cruelle d’ennuis, et que mes peines quelquefois furent, appréciées et senties. Dans le nombre de ces juges éclairés, je dois , avant tout, distinguer le colonel Gordon. Il avoit aussi parcouru une partie de l’Afrique méridionale. Ses observations sont connues de plusieurs savans de l’Europe. S’il lit cet-écrit , il y- trouvera le gage d’une estime sans bornes; puisse-t-il y puiser aussi le désir de se faire


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