pas elle-même marqué la limite où de nouvelles températures et de plus grands besoins exigent impérieusement de modifier son essence ! Qu’on ne s’étonne donc pat s i, dans le récit de mes aventures et voulant continuer d’être vrai, je laisse échapper mon trouble à la vue de sa première image ; elle eut toutes nies affections : je lui dois compte de tous les-secrets de mon coeur; et cette prédilection dont je ne puis me défendre pour'l’asile éloigné où je vais m’asseoir auprès d’elle, est un hommage de plus que je rends aux peuples dignes encore de pratiquer ses leçons. Terre de repos , d’inconnoissance et de bonheur , toi qui me nourris si long-tems sans effort ; rochers silencieux où j ’ai déposé tout souvenir et tout regret du passé ; solitudes enchantées qu’aucun soupir n’a troublées, qu’aucune tyrannie n’a souillées, ah ! si quelque François venoit à s’égarer sur vos rivages, oüvréz-lni vos retraites charmantes et rendez plus auguste encore le don précieux qu’il s’est fait à lui-même ! J’étois de retour au Cap de Bonne-Espérance et déjà je méditois un autre voyage ! Seize mois de courses et de chasses continuelles dans l’interieur de l’Afrique méridionale n’ayoient pu ralentir mon zele, ni combler tous mes souhaits : cette passion toujours plus impérieuse d’accroître mes connoissances en histoire naturelle nais- soit de la multitude même de celles que je venois d’amasser. Mes fatigues n’étoient plus rien à mes yeux du moment que j ’en ayois déposé le fardeau ; en me revoyant au sein de la ville et des caquetages d’un certain monde pour lequel je ne suis pas fait , je ne pouvois m’empêcher de. reporter mes regards en arrière : je plongeois en idée sous ces abris romantiques, dans ces forêts majestueuses dont j ’avois pris possession sans obstacles et que je pouvois laisser sans gardiens. Ce mélange indéfinissable de misantropie et de sensibilité, guide ordinaire des actions de ma vie, atténuoit un peu le bonheur de revoir des amis qui m’étoient si chers, ou plutôt ce n est point an Cap qu’il m’eut été doux de m’entretenir avec eux. Il naissoit de ce flux et reflux de plaisir et de mal-aise un sentiment non moins singulier : l’insouciance sur les découvertes dont j ’allois enrichir la plus vaste et la plus belle des sciences. L aspect et le développement des objets curieux que je rapportois avec moi devoient peu parler à mon ame. L’intérêt dramatique en étoit passé : c’est ainsi que le plus beau concert souvent nous laisse l’ame vide, dès que son effet est-produit, et le compositeur est froid à en rassembler les parties, xt Ramené peu à peu au ton de la société j’en repris insensiblement tous les goûts ; et pour jouir aussi de mes trésors, je m’efforçai de me rendre étranger à moi-même. L’amitié obtint avant tout mes hommages. Je revis , j’embrassai, je serrai contre mon coeur ce respectable Boers, dont la santé m’a- voit., causé tant d’alarmes', lorsque j’étois encore à cent cinquante lieues du Cap et campé sur les bords du Kriga. C’est à lu i , c’est au soin qu’il prit de m’attirer dans sa maison après mon désastre dans la baie de Saldanha, que je devois tous les trésors d’un voyagé aussi curieux. Il mit beaucoup d’empressement à vérifier l’état des caisses que je rapportois avec moi ; déjà même il avoit employé les plus grandes précautions à débarrasser celles que je lui avois adressées d’avance. Un zèle ingénieux lui avoit suggéré des moyens de conservation, dont j’étois étonné ; il s’étoit fait naturaliste pour m’obliger ; non-seulement ma collection s’étoit conservée intacte en passant par ses mains adroites ,. mais il étoit parvenu , par des combinaisons naturelles , à en classer les divers objets avec beaucoup d’intelligence et d’harmonie. L’ordonnancé d’un cabinet avant de savoir qu’il eut échappé aux chances d’une route aussi longue , étoit un spectacle ravissant pour moi. J’avois dû concevoir de grandes inquiétudes sur ces premières collections : en repassant dans ma mémoire tous les accidens qui avoient pu les altérer ; en songeant à l’étendue du voyage , à la longueur des chemins, à l'effet successif et continuel des chaleurs et des pluies, à l’insouciance des personnes à qui j ’en àvois confié le transport, je clèvois tout au moins m’attendre à n’en retrouver que les débris ; mes animaux, au contraire , 'avoient repris une vie nouvelle et sembloient respi- A a
27f 82-1
To see the actual publication please follow the link above