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XV] P R É C I S H I S T O R I Q U E. épingle qui lui traversoit le corselet. Elle y resta cinq mois, et au bout de ce tems, elle remuoit encore et ses pattes et ses antennes. J’ai attaché et fixé de même d’autres espèces de sauterelles, sans néanmoins leur ouvrir le ventre, comme à la première; mais pour essayer, de les étouffer , j’avois mis, dans le coffret où elles étoient renfermées, du camphre et de l’esprit de térébentbi* ne, et néanmoins elles y ont vécu plusieurs jours. « Si l’on arrache la jambe d’une mouche , dit le philosophe, au- « teur des Etudes de la nature, elle va et vient, comme si elle « n’avoit rien perdu. Après le retranchement d’un membre si eon- « sidérable, il n’y a ni évanouissement, ni convulsion , ni cri, ni « aucun symptôme de douleur. Des enfans cruels s’amusent à leur « enfoncer de longues pailles dans l’anus ; elles s’élèvent dans l’air « ainsi empalées ; elles marchent et font leurs mauvemens ordi- « n aires, sans paroitre s’en soucier. Réaumur coupa un jour la « corne charnue et musculeuse d’une grosse chenille, qui con- « tinua de manger, comme s’il ne lui fût rien arrivé. » Plusieurs fois j’ai tenté de noyer dans de l’esprit de vin certaines espèces d’insectes ; le carnivore le plus robuste y eût été étouffé en moins de deux minutes, et souvent elles ne l’étoient pas après vingt-quatre heures. On sait qu’à Paris le docteur Franklin ressuscita des mouches qui se trouvoient. dans des bouteilles de vin qu’on lui avoit envoyées de Madère et qu’il gardoit dans sa cave depuis plus do six mois. Ces expériences m’amusoient beaucoup: j’y employai la plus grande partie de mes loisirs ; elles remplissoient du moins l’intervalle d’un voyage à l’autre, et servoient à tempérer une trop vive impatience. Mais enfin ce désir violent de revoir la nature se fit sentir avec tant de force que le séjour de la ville me devint insupportable', et je songeai sérieusement à mon départ. VOYAGE V O Y A G E EN A F R I Q U E . V O Y A G E DANS L E P A Y S D E S P E T I T S E T G R A N D S N AMA Q U O I S . E n r i n , je vais acquitter ma dette ! Quelles que soient les circonstances ou j écris , le besoin d’ecrire m’én est devenu plus cher. Les fruits de mes longs et pénibles voyages ne seront point perdus. Si de cruels oppresseurs en ont dévoré les prémices , ce malheur est assez racheté par le spectacle de la liberté publique ; il me resté encore une assez belle moisson à recueillir pour que je m’empresse de l’offrir à la patrie , et du moins cette dernière portion des seuls présens qu’il me soit permis de lui faire ne sera point souillée d’ivraie ni de fleurs étrangères. Je retrouve dans la situation où je vis le niveau de ma première indépendance, et n’ai plus d’efforts à vaincre ni de gens corrompus à ménager pour rendre à la nature le tribut d’adorations qu’elle a droit d'attendre de son plus fidèle amant, Je rentre dans les déserts d’Afrique pour là révOir ; je la peindrai telle qu’elle est : elle doit sourire à ma rencontré en ap- prénànt tout ce qu’a fait cette heureuse portion du globe pour ranimer son culte et rebâtir son au tél. Je lui montrerai' ses portraits ; elle ne dédaignera point leur parure : si loin des lieux où elle m’ap- parùt pour la première fois dépouillée et sans fard , pourroit-ellé s’offenser qu’on ait un peu voilé ses charmes ! ou plutôt n’a-t-èllé Tome I. A


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