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J’avois remarqué souvent que des araignées ourdissoient leur toile dans certains lieux isolés et fermés où il étoit très-difficile à des mouches, et à des moucherons même, de pénétrer , et j’en ayois conclu que ces animaux devant être long-tems privés de nourriture, ilsdevoient être capables de supporter long-tems l’abstinence et la faim. Pour m’en assurer, je pris une fojte araignée de jardin , que- j’enfermai spus une çloche de verre bien lutée ; et je la laissai là pendant dix mois entiers. Malgré son long jeûne ,• elle parut toujours également alerte et vigoureuse; seulement je remarquai que son ventre, qui au moment de l ’incarcération avoit la grosseur d’-une noisette, diminua insensiblement, au point de n’avoir plus que celle d’une tête d’épingle. A cette époque, je fis entrer sous la cloche une autre araignée, de même espèce, et aussi grosse que. f avoit .été. la première. D’abord elles s’éloignèrent l’une de l’autre, et pendant quelque tems restèrent immobiles. Mais bientôt la maigre, pressée par la faim t s approcha delà nouvelle venue, et l’attaqua. Plusieurs fois elle reyint à la charge. ; et dans ces différens conflits, son ennemie ayant laisse sur le champ de bataille presque toutes ses pattes, elle les emporta et alla les sucera son ancienne place.. Elle-même en perdit trois, dont elle se nourrit également; et je m’apperçus que ce repas lui avoit rendu un peu d'embonpoint. Enfin, la nouvelle, privée de ses moyens.de défense, succomba le lendemain ; elle fut dévorée à son tour ; et, en moins de vingt- quatre heures, l’autre redevint aussi rpnde qu’au moment où j& l ’avois prise. 31 s’en % it de beaucoup que les autres animaux puissent supporter la fajm au même degré. Il suffit, pour les faire périr,, d une inanition de quelques jours ; et ce terme est plus ou moins court, selon le genre d’alimens dont ils se nourrissent. Parmi les* oiseaux, par exemple, le granivore meurt ordinairement dans les; quarante-huit à soixante heures, tandis que Pentomophage , c’est- à-dire , celui qui vit d’insectes, résiste un pdu plus long-tems. De toutes les espèces , celle qui résiste le moins long-tems au défaut de nourriture est la frugivore ; et probablement cette propriété distinctive est due à son estomac , qui, digérant plus vite, a plus-souvent besoin d’alimens. Mais, d’un autre côté , cette digestion plus prompte produit un avantage; c’est qu’à égal-degré d’affaisement, l’animal, s’il est secouru, revient à la vie et reprend des forces beaucoup plutôt qu’un autre. Il n'en est pas ainsi du granivore: parvenu à un certain point d’affoiblissement, il ne se rétablit plus, si -on ne lui donne que les graines qui forment sa nourriture ordinaire. Son estomac alors a perdu en partie la faculté de Íes digérer. Le carnivore , au contraire, conserve la sienne jusqu’à ses derniers instans; et delà vient qu’il ne lui faut qu’un moment pour reprendre sa vigueur, pourvu qu’on lui ait donné la sorte de pâture qui lui convient. Pour peu qu’on réfléchisse sur cette- différence, on en Voit clairement la raison. La viande , par son affinité avec la substance dé l ’animal, peut s’approprier à lui très - promptement ; et comme ses sucs sont éminemment nutritifs, le secours quelle lui procure est presque instantané. lien est tout autrement des graines : pour être digérées, il faut qu’elles séjournent quelque tems dans l’estomac ; puisqu'il faut qu’elles s’y ramollissent et y soient # triturées. O r , cette opération est longue ; et d’ailleurs elle suppose au gésier une action vitale , un mouvement et des forces; que le jeûne lui a fait perdre. Ce que je dis ici est fondé non-seulement sur des raisons plausibles, niais encore sur des expériences. J’ai pris deux moineaux de même âge, également bien por tans ; et les ai réduits, par le défaut dè nourriture, à un tel point d’affoiblissement qu’ils ne pouvoiept plus prendre celle que je leur présentais. Dans cet état, je fis avaler à l’un des graines concas


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