%Hj ■; P R É C I S il s’en trou voit un qui n’avoit pas à beaucoup près l’approbatiori générale. Les gens de l’art le regardoient, sinon comme inutile, au moins comme ne pouvant que retarder de fort peu la prise de la ville. Pour savoir s’ils se trompoient ou non , il auroit fallu que la ville eût été assiégée ; et elle ne le fut pas. Quant aux liabitans, ils plaisantèrent beaucoup sur la Construction de ce fort. A les entendre, les entrepreneurs, en l ’élevant, avoient plus travaillé pour leur avantage particulier que pour celui de la colonie. Aussi Gordon l’avoit-il appellé , par dérision, le fort Gousset. En cherchant à augmenter ses moyens de défense, l’administration avoit cherché aussi à augmenter le nombre de ses troupes. Dans ce dessein ; elle ramassoit et enrôloit indistinctement tout ce qui venoit se présenter ; personne n’étoit refusé : je ne sais ce qu’en cas d’attaque auroient fait de pareils soldats, mais je doute au moins qu'ils eussent rendu de grands services. Il en eût été ainsi, selon moi, d’un régiment qu’on vouloit former de Hottentots. Jamais projet ne prêta tant au ridicule que celui-ci; et pour en convenir, il suffisoit d’avoir vu manoeuvrer ces troupes grotesques. J’eus ce plaisir un jour en traversant la place publique où ils étoient rassemblés, et où un serviteur de la Compagnie les dr.essoit à ce qu’il appeIlo.it l’exercice militaire.! Non , jamais je n’ai ri autant, et je n’y songe point encore sans rire de nouveau. Si quelqu’un a vu dans une foire des singes J sous le fouet d’un bateleur, faire l’exercice, se heurter par des mouyemens contraires, tourner à contretems, sauter ou s'accroupir .qüand il falloit marcher ou faire une évolution ; il aura une idée de ce qu’étoient les manoeuvres de nos demi-sauvages. Aucun d’eux ne sachant distinguer sa droite d’avec sa gauche5*on peut imaginer comment ils obéissoient à l’ordre du général. Tous, d’un air imbécile , avoient les yeux fixés sur'lui ; mais à peine don- noit-il un commandement, qu’au même instant, agités d’un mouvement convulsif, chacun faisoit une évolution différente, Tout ce ce qu’on put leur apprendre, ce fut de rester en ligüe et serrés les uns contre les autres. Peut-être que, vus ainsi en corps et d’une certaine distance en mer , ils auroient pu en imposer pour quelques instans à l’escadre angloise ; mais l’illusion n’auroit pas duré long-tems. Au premier boulet, et seulement même au premier bruit du canon, la tourbe se seroit-dissipée coinme une volée d’é- tourneaux, et jamais il n’eût été possible* de la rallier. Cependant il y avoit moyen peut-être de tirer d’eux quelque parti: c’étoitdeles placer dans une embuscade bien assurée, et là les employer à des fusillades, sans qu’ils eussent rien à craindre ; earon doit penser qu’un Sauvage, fort étranger à nos préjugés, compte pour-peu 1 honneur qu’on receuille à rester à son poste, et même à y attendre bien souvent une mort assurée. Le Sauvage a plutôt fait de s’embusquer dans l’ombre et les ténèbres. Pour lui, l’art de combattre n’est que l’art d’éviter le danger. S’il àttjaque, c’est qu’il se Croit sûr dé tuer, sans courir aucun risque ; et lui demander d’exposer sa vie pour procurer la victoire à ce qui lui est étranger, seroit lui proposer la dernière des démences. Je m’abstiens de prononcer sur la valeur et le mérite des diffé- rens officiers qui devoient commander et les forts et les troupes. Tous sans doute méritoient le poste ou le grade qu’on leur avoit donné; tous avoient du courage et des talens ; mais je regrettai de ne pas voir parmi eux le brave Staaring. Ce marin intrépide, que la mort a depuis enlevé à sa famille et à sa patrie, venoit tout récemment de donner un exemple d’audace qui avoit étonné là Colonie ; et que je publie ici avec d’autant plus de plaisir qu’il m’acquitte en partie de ce que je dois de regrets à la mémoire d'un homme auquel j’étois fort attaché. Un vaisseau portant pavillon danois vênôit de mouiller dans la baie du Cap; et l’on avoit plus d’une raison pour le soupçonner d’étre, ou un espion anglois, ou au moins un vaisseau de transport chargé de munitions de guerre pour l’ennemi. Staa- Tome I. b
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