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marmites, on fît cuire des grillades fur des charbons ardens ; en moins de deux heures les trois-quarts de notre viande difparut. Le Hottentot eft gourmand tant qu’il a des provifions en abondance; mais aufïï dans la difette il fe contente de peu; je le compare fous ce rapport à l’Hienne, ou même à tous les animaux Carnaffiers qui dévorent toute leur proie dans un inftant , fans fonger a 1 avenir, & qui relient en effet plufieurs jours fans trouver de nourriture ,• & fe contentent de terre glaife, pour appaifer leur faim. Le Hottentot eft capable de manger, dans un feul jour , dix à douze livres de viande ; & dans une autre cir- conftance défavorable , quelques fauterelles, un rayon de miel , fouvent auflî un morceau de cuir de fes fandales , fuffifent à fes befoins preffans ; je n’ai jamais pu parvenir à faire comprendre aux miens, quil étoit fage de réferver quelques alimens pour le lendemain; non-feulement ils mangent tout ce qu’ils peuvent, mais ils diftribuent le fuperflu aux furvenans ; la fuite de cette prodigalité ne les inquiète en aucune façon. « O n CHASSERA difent-ils ou l o n d o r m ir a ». Dormir eft pour eux une reffource, qui les fert au befoin; je n’ai jamais paffé dans des contrées âpres & ftériles où le gibier eft rare, que je n’aye trouvé des Hordes entières de Sauvages endormis dans leurs Kraals ; indice trop certain de leur pofîtion miférable ; mais ce qui fur- prendra beaucoup, & que je n’avance que fur des obfervations vingt fois répétées, c’eft qu’ils commandent au fommeil, & trompent à leur gré le plus puiffant befoin de la nature. Il eft pourtant des momens de veille au-deffus de leurs forces & de l’habitude. Ils emploient alors un autre expédient non moins étrange, & qui, pour n’infpirer nulle croyance, ne ceffera pas d’être un fait inconteftable & fans réplique ; je les ai vus fe ferrer l’efto- mac avec une courroie; ils diminuent ainfi leur faim, la fuppor- tent plus long-temps , & : l’affouviffent avec bien-peu de chofes.* Ce plaifant moyen des ligatures eft encore chez eux un remède général qu ils appliquent à tous les maux. Ils bandent avec force leur tete ou toute autre partie fouffrànte, & pedfent qu’en gênant le mal, ils l’obligent à fuir. J’ai été plus d’une fois préfent à dé pareilles opérations ; après qu’elles étoient achevées au défir du malade , je le voyois fe calmer , répondre plus facilement à mes queftions affeûueufes & m’affurer qu’il éprouvoit du foulage- ment ; quelque bizarre que paroiffe cette coutume , elle %e feroit pas aufli généralement adoptée par ces peuples , fi elle ne répondoit point à la haute idée qu’ils en ont. Ceux de mes Hottentots que j’avois envoyés à la découverte de l’Hippopotame , furent bientôt de retour & m’apprirent qu en côtoyant la rivière, ils en avoient reconnu un dans un endroit tellement couvert de rofeaux , qu’ils ne leur avoit pas été poflible d’arriver jufqu’à l’eau pour l’examiner de plus près; mais que chaque fois qu’il s’étoit élevé pour refpirer , ils l’avoient diftinc- tement entendu; qu’en vain ils avoient tiré plufieurs coups de fufil pour l’effaroucher & l’obliger à changer de place ; qu’il étoit probable que le lendemain il choifiroit un autre endroit plus favorable à nos deffeins ; ils avoient aufli rencontré une vingtaine de Buffles & n’en avoient pas tué un feul. Le jour fuivant, 11 du mois , nous fûmes vifités, pendant la nuit, par des Lions, des Hiennes Sc des Jakals ; ils nous tinrent fur le qui vive , jufqu’à deux heures du matin. La fumée de toutes nos grillades & de nos viandes fraîches les avoient fans doute attirés'; nous eûmes beaucoup de peine à contenir nos Chevaux; entr’autres celui que j’avois acheté de M. Mulder, au canton d’Auteniquois. Aux cris, des bêtes féroces, la frayeur s’étoit emparée de ce jeune animal, à tel point que nous fumes obligés de lui mettre des entraves aux quatre jambes & double longe à la tête, pour l’empêcher de fe détruire lui-même ; le jour ramena la tranquillité. Nous continuâmes la diffe&ion de nos Coudoux; après quoi l’on plia bagage. J’avois envoyé la veille , un Hottentot reconnoître Koks-Kraal» c’étoit le rendez-vous où j’étois convenu d’attendre mes députés; il n’y avoit que trois jours qu’ils étoient partis ; je ne devois pas efpêrer de les revoir de fi tôt ; cette nouvelle retraite pèfovoit donc m’offrir un nouveau plan de v ie , & c’eft là que j’allois fonder pour quelque temps mon petit Empire, fi des ' nouvelles


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