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facheufes ou quelque malheur ne forçoient pas mes députés à fe replier fur moi ; cependant , je n’avois pas de temps à perdre, &^les précautions , toujours plus indifpenfables dont toutes les circonftances me faifoient une loi très-févère , m’engageoient aifez a me hâter. Sur le rapport de mon Commifiionnaire, je jugeai que nous camperions commodément dans Koks - Kraal, & le premier afpeit de ce beau lieu ne trompa point mon attente. Je m’y rendis en trois heures. Nous trouvâmes une enceinte d’environ cinquante pieds en quarré formée par une haie fèche de branches darbres & d’épines; elle étoit un peu dégradée dans quelques endroits; mais fa reftauration fut à peine l’ouvrage d’un jour. C’étoit, pour abriter nos beftiaux , une découverte d’autant plus heureufe que cette enceinte dominoit prefque tous les environs; d’un côté l’on découvroit la rivière dont nous n’étions éloignés que de trois ou quatre cents pas. Les bêtes féroces netoient pas l’objet de mes plus grandes inquiétudes ; je fongeois davantage à me garantir des Caffres répandus dans le Pays. Ne fachant point les démarches pacifiques que je tentois auprès d’un de leurs Rois, & les Caffres n’ayant aucune connoiffance de ma façon de penfer fur leur compte , ils pouvoient venir à toute heure m’infulter & m’attaquer dans mon camp, & , ce que je redoutois le plus , c’étoit cèiui même entre les mains de qui j’avois remis les conditions de mon ambaffade. Inflruit par fes propres yeux du nombre des gens qui reftoient avec moi, de mes forces comme de ma foibleffe, inftruit, par mes propres aveux , de mes réfolutions & de la place affignée pour nous rejoindre, il étoit en fon pouvoir ou de corrompre ceux de mes gens qui l’accompagnoient ou de les trahir & de les affafliner en chemin ; qui l’empêchoit alors de cacher fa marche & de venir , à la tête d’un parti nombreux, fondre inopinément fur moi & , par un de ces coups de main trop ufités • dans la guerre, m’effacer tout-à-coup de la lifte des vivansiJe ne m cacherai point à mes Leûeurs, qu’avec le projet bien formé de venole chèrement ma vie , mes terreurs augmentoient en proportions des foins que je prenois chaque jour pour ma défenfe; mais à mefure que le moment du départ de ces Envoyés s’éloignoit, ma tête fe tranquillifoit u-n peu ; une longue abfence diminuok le péril, & je finis par me familiarifer avec ces triftes idées. J’avois ordonné de dreffer ma grande tente , en dehors , à l’une des extrémités du parc ; je la fis entourer de cabanes poftiches , pour donner le change à l’ennemi , comme on l’avoit effayé au Klyn-Vis-Rivjer. A l’extrémité de ce parc , oppofée à ma tente & dans un de fes angles , nqus pratiquâmes une féparation pour mes Chevaux , une autre pour mes Moutons & Chèvres ; près de là je . plaçai ma petite tente, & je me propofois d’y coucher ; nous exhauflàmes tellement tout l'entourage du parc avec des arbres épineux, qu’il étoit impoffible qu’aucun animal féroce pût le franchir ; par ce moyen mes troupeaux fe trouvoient en fureté dans ce quarré d’environ quarante pas fuififamment libre & commode. Cette efpèce de fort pouvoit même au befoin , me fervir de retraite pour moi & les miens, & de là nous euflions bravé deux mille Caffres. Ces’ arrangemens fatisfirent tous mes compagnons , encore plus inquiets que leur chef, & je les vis \peu à peu reprendre leur gaîté naturelle ; nous ne négligions pas pour cela les acceffoires d’ufage; aux approches de la nuit, à cinquante pas de chacune des faces du parc, nous faifions de grands feux, pour écarter les Lions & les Hiennes ; nous en allumions d’autres encore auprès de nous, afin d’augmenter mes fûretés ; toutes ces difpofi- tions réuflirent à merveille ; je repris mes occupations ordinaires & ne refpirai plus que pour la chaffe. Dès le premier après-dîné, j’avois vu des volées de Perroquets traverfer les airs, pour aller s’abattre & boire à la rivière; je les obfervai & parvins à en tuer un. C’étoit une efpèce nouvelle & qui n’a pas été décrite. Sa taille approche de celle du Perroquet cendré de Guinée ; fa couleur générale eft le vert de plufieurs nuances ; mais fur chaque jambe & fur le poignet de l’aile , il porte une belle couleur aurore ; j’en parle amplement dans mes defcriptions d’Oifeaux. - Nous étions aufli vifités en plein jour par des troupes confidérables de Bavians , Singes de la même efpèce que mon ami Keès; * ces animaux étonnés de voir tant de monde , l’étoient encore plus


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