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de reconrioitre un des leurs paifible au milieu de nous', & qui leur répondoit en bon langage. Un jour ils defcendirqpt d’une colline que nous avions a côté de notre camp; en moins d’une demi-heure, plus .d’une centaine nous entourèrent avec curioiité ; ils répétoient fans cefle , Gou-a cou , Gou-a-cou. La voix de Keès les enhardifl’oit. Il y en avoit dans le nombre de beaucoup plus grands les uns que les autres ; mais ils étoient tous de la même efpèce ; ils fe • perdoient en démonftrations & gambades qu’on effayeroit en vain de décrire. On fe tromperoit s’ils étoient jugés d’après ces Singes abâtardis qui languiffent en Europe dans l’efclavage, la crainte & l'ennui, ou périffent étouffés par les carefles de nos femmes, ou même empoifonnés par leurs bonbons. Le Ciel épais de nos climats flétrit leur gaîté naturelle & les co.nfume ; ce n’eft plus qu’avec des coups de %âton qu’on les fait rire. Mais une fingularité que j’ai eu déjà l’occafion de remarquer, fixoit mon attention. Tout en reconnoiffant fes femblables & '’•leur répondant, Keès , que je tenois par la main, ne voulut jamais les approcher; je le traînois vers eux, & ces animaux, qui paroifloient Amplement fe tenir fur leur garde fans témoigner d’autre crainte , me voyoient arriver avec autant de tranquillité que Keès montroit d’agitation dans fa réliftance. Tout d’un coup il m’échappe & court fe cacher dans ma tente; la crainte peut- être qu’ils ne l’entraînaffent avec eux, étoit la caufe de fon effroi. Il m’étoit très-attaché; j’aime à lui faire honneur de ce fentiment; les autres Singés continuoient leurs agaceries, & fembloient s’efforcer de gambades & de cris pour m’amufer; raffalié de leur tintamarre & las de ce fpecîacle je voulus m'en procurer un autre; un coup de fufil eut bientôt mis tous mes chiens à leurs trouffes; ce fut un coup-d’oeil amufant de voir leur foupleffe & leur légèreté dans la courfe ; ils fe difpersèrent ; & , fautant de rocher en rocher, ils difparurent plus prompts que l’éclair. Le 13 du mois, je fus réveillé de grand matin par le chant d'un oifeau qui m’étoit inconnu. Ses tons foutenus & fortement prononcés,, ne relfembloient en rien à tout ce que j’avois jufqu’alors entendu. Ils me paroifloient réellement extraordinaires ; je me levai levai fur le champ, & j’arrivai fort près de lui fans qu’il m’eût aperçu ; mais, comme à peine il faifoit jour, je le vis mal au milieu des branches touffues de l’afbre fur lequel il étoit perché, & j’eus le malheur de le laiffer partir. Mais , à fon v o l, je crus reconnoître le Crapaud-volant. Je ne m’étois pas trompé ; quelques- jours plus tard, j’eus occafion d’en tirer plufieurs autres. Cet oifeau eft très-différent du Crapaud-volant que nous con- noiffons en Europe, & qui n’a qu’un cri plaintif affez femblable à celui du Crapaud terreftre ; ce qui probablement lui en a fait donner le nom ; mais celui d’Afrique a un chant très-articulé qu’il n’eft pas poflible d’imiter ; il le foutient pendant des heures entières après le coucher du foleil, quelquefois pendant toute la nuit, & cette différence, jointe à celle de fa robe, en fait une efpèce nouvelle. Je tuai encore plufieurs jolis oifeaux, entr’autres un Barbu d’une très-petite efpèce inconnue, un Coucou que j’ai nommé le Criard, parce qu’en effet fon cri perçant fe fait entendre à une grande diftance; ce cri ou, pour m’exprimer plus correftement, ce chant 11e reffemble point à celui de notre Coucou d’Europe, & fon plumage eft aufli très-différent; je trouvai encore dans ce Canton beaucoup de ces Coucous dorés décrits par Buffon, fous le nom de Coucou Vert-doré du Cap. Cet oifeau eft fans contredit le plus beau de fon genre ; le blanc, le vert & l’or enrichiflent fon plumage; perché fur l’extrémité des grands arbres, il chante continuellement & dans une modulation variée , ces fyllabes Di Di D id r i c aufli diftinttement que je l’écris; c’eft pour cette raifon que je l’avois nommé le D id r i c . Comme je m’amufois ainfi à pourfuivre quelques petits oifeaux, j’aperçus une volée de Vautours & de Corbeaux , qui faifoient grand bruit en tournoyant dans l’air ; arrivé prefqu’au-deffous d’eux, je vis les reftes d’un Buffle que des Lions avoient dévoré il n’y avoit peut-être pas vingt-quatre heures. Au premier afpeâ du champ de bataille, j’augurai que le combat avoit été terrible; tous les environs étoient battus & labourés; je pouvois compter combien de fois le Buffle avoit été terraffé ; je trouvois çà & là Tome 1. Y


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