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mienne , je lenr remis quelques préfens pour le Prince & les congédiai ; ils me promirent de fe rendre bientôt à Koks-Kraal, où je de vois les attendre ; chacun d’eux fit fes proviiions : ils partirent. Je me mis moi-même en route dans la matinée ; après trois heures de marche , nous trouvâmes les bords du Groot-Vis- Rivier; la chaleur étoit exceffive ; la terre , de tous côtés couverte de gros cailloux roulés’ , rendoit le chemin fort pénible pour les Boeufs; nous côtoyions toujours les bords delà rivière; à trois cents pas de fon cours, la fatigue nous força de nous arrêter; il n’étoit encore que quatre heures du foir. Tandis qu’on faifoit les préparatifs ordinaires pour fe procurer une nuit tranquille , je regagnai , en me promenant, le rivage. Non loin de là , j’aperçus les relies d’un Kraal de Caffres , & je fus curieux de l’aller viliter; j’y vis quelques cabanes allez bien confervées, les autres étoient entièrement détruites ; mais un fpeétacle plus trille, frappoit mes regards ; je reconnus des olfemens humains ; leur vétullé me fit croire qu’ils provenoient des malheureux dont les Colons avoient fait leurs premières viétimes, & que cette expédition datoit des commencemens de cette injulle guerre. La nuit du 10 s’écoula tranquillement ; à la vérité quelques Hiennes rôdèrent autour de nous ; mais habitués à leurs manèges, nous nous en inquiétâmes fort peu. Le matin, mes Hottentots qui revenoient de faire la provilion d’eau , m’avertirent qu’ils avoient vu des empreintes toutes fraîches de Coudoux & d’Hippopotames; nos provifio’ns touchoient à leur fin ; le temps étoit favorable. Je réfolus de donner cette journée à la chaffe. Me« gens fe répandirent fur les bords de la rivière, pour tâcher de découvrir le lieu précis où fe tenoient les Hippopotames ; moi, je pris d’un autre cô té, dans l’efpérance de trouver des Coudoux ou d’autre gibier ; je ne vis que des Gazelles de parade , & des troupes d’Autruches; j’étois à pied ; il n’y avoit nul moyen de les approcher ; je commençois à craindre que toute la journée ne fe paffât en contemplations & en courfes ; j’avois arpenté & battu bien du Pays, lorfque tout-à-coup dans une plaine dont l’herbe étoit haute & qui portoit quelques arbriffeaux, j aperçus un grouppe de fept Coùdoux ; ils ne me virent point heureufe- ment; j’approchai avec précaution fuivi d’un homme que j avojs mené avec moi ; lorfque nous fûmes à deux cents pas, je lui dis de tirer le premier ; plus fur d’atteindre ces animaux a la courfe, je voulois réfer.ver mon coup pour ce moment plus douteux ; il tira & les mit tous en fuite , comme je m’y étois attendu ; par un bonheur, étrange, ils vinrent paffer à trente pas de moi; je jetai bas le feul mâle qui fût dans la troupe ; mon Hottentot eut beau^ me foutenir que c’étoit le même qu’il avoit vifé , nous ne lui trouvâmes qu'une feule bleffure, & qu’une feule balle. Nous le couvrîmes de quelques branchages. Après avoir attaché mon •mouchoir au bout d’une.perche, & fiché en terre cet épouventail pour écarter les bêtes féroces, nous nous mîmes à la pourfuite des autres Coudoùx , parce que le mâle étant tué ; j étois certain que lés femelles n’iroient pas loin; nous aperçûmes des traces de fang qui dénotoient que Fuiie d’elles avoit été touchée ; à quatre cents pas en effet, nous la trouvâmes qui rendoit les derhiërs fôüpits ; tnori Hottentot k qui j’avois teproché fa mal- adreffe, paroiffoit fiâtté dë la rencontre ; mais il avoit tiré lè mâle; & c’eil par hafard qu’il avoit touché cette femelle. Nous la dépouillâmes ; elle fut vidée; par ee moyen nous pouvions à nous deifx , n’étant pas fort éloignés du maie , la tranfporter jufques-là. Nous étions vraiment haraifés de fatigue, & 1 appétit commençoit à fe faire fentir. Nous allumâmes quelques branchages , & fîmes cuire le foie fur des charbons. Je ne fais fi ce fut l’effet de la faim ou de la délicateffe du mets ; je me rappelle que fans autre affaiffonnemént ; fans pain ( il y avoit long-temps que je n’en mangeois plus ) , je ne pouvois m’en râffafier, & que c eil là un des plus délicieux repas que j’aie fait de ma vie ; nous "attachâmes enfulte Íes quatre pieds de l’animal , & avec une perche nous le portâmes fur les épaules, à côté du premier que nous avions tué. Mon Hottentot fe détacha, pour me ramener deux chevaux & quelques - uns de feS cafùarades ; notre chaffe fut enlevée & conduite au Gatnp. Dans un inflant on remplit les X ij


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