même elle expira au milieu des douleurs, & des vains regrets de fes enfans, & de íes efclaves affemblés. On a vu que Hans m’avoit donné fur la Caffrerie tous les éclairciffemens que je lui avoit demandés ; il m’avoit appris que le terrein fur lequel je me trouvois aôuellement, étoit de la domination d’un puiffartt Seigneur qui faifoit fa réfidence à trente lieues de nous plus du côté du Nord, & qu’il fe nommoit le Roi FAROO; il me confeilloit de pénétrer jufqu’à lui, m’affurant que je n’avois . rien à craindre , aucun rifque à courir ; il me difoit au contraire que ces pauvres peuples me verroient avec plaifir , dans l’efpérance que de retour au Cap, le récit de ce que j’aurois vu touchant leurs moeurs, leur caraâère & leur façon de vivre effaceroient les mauvaifes impreflions que donnoient d’eux par-tout les Colons qui ne pouvoient les fouffrir ; qu’on leur laifferoit peut-être à la fin leur tranquillité, le feul bien qu’ils demandaient aux Blancs. Au premier coup-d’oe il, ce raifonnement étoit fpécieux, fédui- fant ; je fentois vivement tous les avantages que je pouvois tirer de l’exécution d’un femblable projet. J’étois entraîné Mais d’un autre côté fi par trop d’imprudence ou de confiance, j allois perdre en un moment tout le fruit de mon Voyage; s’il arrivoit que je fuffe maffacré , cette démarche pouvoit paffer pour le comble de la déraifon & de l’extravagance ; je connoiffois l’humeur vive & remuante des bâtards des Blancs & des Hottentots ; je voyois pour la première fois celui-ci, de quoi pouvoit-il'être capable? Je l’ignorois ; l’appât d’un verre d’eau de vie venoit den faire un traître , il étoit ami des Caffres, il avoit paffé une partie de fes jours avec eux, il fortoit alors d’une retraite fufpeile à mes regards & n’étoit là peut-être que pour obferver les mou* vemens des Colons , & les trahir eux-mêmes. N’étoit-il pas poffible qu’il eût auffi l’intention de me facrifiet , afin de partager mes dépouilles avec les Caffres, & de fe faire auprès deux un mérite de m’avoir fait tomber dans le piège? Après avoir pefé long - temps fur ces réflexions, agité par mille idées contraires , & hors d’état de prendre un parti pour moi- même , je m’arrêtai tout d’un coup à un plan plus facile & plus fage. fage. Je me ménageois par ce moyen un peu de temps , pour me livrer à de nouvelles réflexions, & m’éclaircir davantage fans compromettre & ma fortune & ma perfonne; j’imaginai de faire une députation au Roi Faroo, & fur la première ouverture que j’en fi s "à Hans, il accepta la commiflîon fans balancer; quoique cette conduite me parut d’un allez bon augure , j’étois bien réfolu cependant de prendre mes fûretés ; ce jeune Métis me promit d’engager deux ou trois de fes amis à faire le voyage avec lui ; je lui donnai deux de mes plus fidèles Hottentots , Adams & Slanger ; ils devoient rendre compte à ce Roi de tout ce que j’avois fait depuis onze mois que j’avois quitté le Cap; afin qu’il fût en état de juger que la curiofité feule, me conduifoit dans fes Etats, je chargeai mes Meffagers de lui dire que , né dans un autre monde , Etranger fur-tout dans les lieux où je me trouvois aâuellement, je n’étois, en aucune façon, ni l’ami ni le complice des Colons qui lui faifoient la guerre ; que je ne vivois'pas même avec eux ; que je défapprouvois hautement leur conduite, qu’en un mot, il pouvoit être affuré qu’auffi long-temps que je refierois dans fon Pays, il n’auroit nul fujet de s’inquiéter de mes mouvemens & de mes démarches, puifqu’ils ne tendoient qu’à un but unique & bien innocent; celui de me procurer les objets relatifs à mes goûts 8 ainfi qu’à mes études, & que loin d’apporter le ravage & la crainte dans fes poffeflions, j’y faifirois au contraire toutes les occafions d’être utile à fes fujets', à lui-même, comme je l’avois été à plufieurs Hordes de Hottentots , qui ne fufpeftoient ni ma fo i, ni mes fervices ; j’ajoutai que le Gouvernement du Cap , à qui je rendrois un compte fidèle de tout ce qui s’étoit paffé fous mes y eux, s’emprefferoit de rétablir le calme dans fon Pays & la bonne harmonie entre lui & les Colons. Après avoir ainfi endoéiriné mes députés, fur-tout ceux de mon camp, à qui je recommandois le plus grand fecret fur quelques autres particularités, dont je les fis feuls dépofitaires, telles, par exemple, que la condition expreffe d’amener avec eux quelques Caffres, afin de juger du degré de confiance qu’ils auroient en moi, & de voir jufqu’à quel point je pourrois leur accorder la Tome I. X
27f 81
To see the actual publication please follow the link above