Page 89

27f 81

mêmes avoient probablement touché la valeur, & dont le pauvre Keès n’avbit fans doute été que le prête-nom. Le Sondag eft un fleuve qui prend fa fource dans de hautes montagnes prefaue toujours couvertes de neiges ; ce qui les a fait nommer Sneuw - Bergen ( montagnes de neige ). Je les avois au Nord fur ma gauche. Le fleuve , grofli par différentes petites rivière» qui fe joignent à lu i, va fe jeter & fe perdre dans la mer, a dix lieues de l’endroit où j’étois. Le I" Oélobre , nous reprîmes notre route dans l’ordre accoutumé. Après fept heures de marche, nous nous repofâmes un moment fur les ruines d’une habitation délaiffée comme 1 autre, & non moins trifte & lugubre. A quatre heures du foir , nous nous arrêtâmes à une mare d’eau. Nous fumes bien heureux, cette nuit là, d’avoir de grands feux. Quelques Hiennes & deux Lions nous vinrent vifiter, & mirent tous nos beftiaux en défordre. Nous paflàmes toute la nuit fur pied. 11 ne fallut rien moins que nos décharges bruyantes & non interrompues, pour parvenir a les éloigner, tant ils montraient d’acharnement ! A la pointe du jour, nous vîmes une fi grande quantité de Gazelles Spring-Bock, que je réfolus d’employer la journée entière à en faire la chafle. Nos provifions commençoient a manquer, & demandoient à être renouvelées plus fouvent. Cetoit parmi tout mon monde une confommation de viandes dont on ne fauroit fe faire une jufte idée. En conduifant une Horde entière, & tous leurs animaux, j’îtVois pris un furcroit d embarras coniidérable & qui m’effrayoit quelquefois. Nous fûmes affez heureux de tuer fept de ces Gazelles. Quoique cette efpèce foit lefte à la côurfe, à cheval on les joint facilement. Raffemblées ordinairement en troupe & ferrées comme des moutons , elles fe nuifent mutuellement ; ce qui ralentit beaucoup leur marche. Une feule balle bien ajuftée, peut en traverfer deux, quelquefois trois , & plus encore. Le jour d’après , nous fimes une marche forcée ; nous avions eu de mauvaife eau la veille ; il falloit, pour s’en procurer de plus fraîche, rencontrer un bras du Sondag. Nous le trouvâmes bçureufement à quatre heures. Nos Boeufs étoient rendus. Ils avoient avoient travaillé par une chaleur étouffante. Je craignois qu’il n’en mourût quelques-uns, malgré qu’on eût eu la précaution de renouveler plufieurs fois les attelages. Le 4 , nous quittâmes tout-à- fait le fleuve & ne fimes, ce jour là , que trois lieues, tant la chaleur étoit infupportable ; nos Boeufs fe fentoient encore de la veille. Le 5 , nous nous mîmes en route, dès trois heures, du matin. A fept heures, nous trouvâmes encore une habitation abandonnée. Les propriétaires fans doute , preffés par la peur, ne s’étoient pas donné le temps de mettre aucun de leurs effets à l’abri du pillage. A l’afpeft de cette habitation demeurée entière, & qui ne portoit aucune empreinte du feu, il me fembla que les habitans avoient pris l’épouvante mal-à-propos. Je fus curieux d’entrer dans cette maifon. Je ne m’étois pas trompé. Nous n’aperçûmes aucun dérangement dans les meubles. Chaque uflenfile étoit à fa place. Je ne permis pas qu’on touchât aux effets , même les plus indifférens ; feulement, comme la chaleur continuoit d’être exceflive, je fis halte à l’ombre de cette maifon , & nous nous repofâmes un peu. Vers le foir , je délogeai & nous entreprîmes une marche de quatre heures. Le lendemain nous paflâmes encore à travers deux habitations fimplemenL défertées comme celle de la veille, & dans le même état. Je ne voulus pas Arrêter. Quatre heures de marche nous mirent fur les bords de la petite rivière Vogtl ( l’Oifeau ) ; nous fîmes halte , parce que mes Boeufs avoient encore manqué d’eau & prefque de nourriture. A midi, le tems s’obfcurcit un peu , & d’affez gros nuages nous déroboient entièrement la vue du Soleil. Je profitai de cette heureufe circonftance pour avancer de plus en plus ; nous efpérions gagner Agter-Bruyntjes-Hoogte ; mais parvenus au pied de ces montagnes, une mare d’eau qui fe trouvoit là , nous engagea d’y camper ; nous n’étions rien moins qu’affurés d’en rencontrer une autre. Pendant la nuit , nos feux furent aperçus par des Hottentots Sauvages. Comme ces gens s’approchoient de nous pour nous reconnoître, il furent éventés par nos Chiens, qui nous donnèrent Tome I. X


27f 81
To see the actual publication please follow the link above