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l’éveil & qui courant au qui v iv e , aboyoient & fe démenoiertt horriblement; pour cette fois une partie de mon monde, perfuadé que nous étions inveftis par les Caffres ( la peur, je le répète, leur faifoit voir par-tout des Caffres ) , propofa de laiffer le camp, & de fe mettre à l’abri dans les buiifons, comme fi nous eufîions été en plus grande fiireté , féparément cachés dans de miférables taillis que réunis en corps , bien’ armés & déterminés. Klaas & moi, nous étions furieux. Le vénérable Swanepoël fe joignit à nous pour remonter ces coeurs efféminés ; & quelque dût être l’événement , il jura qu’il s’attachoit à moi, & donneroit pour ma défenfe jufqua la dernière goutte de fon fang. Au milieu de ces difcours & des lâches irréfolutions du refte de ma troupe , une voix fe fit entendre qui fupplioit en Hollandois inintelligible, de rappeler les Chiens, ce que l’on fit à l’inftant. Lorfque je me fus affiné que ces gens n’étoient que des Hottentots , je leur permis d’approcher ; ils parurent au nombre de quinte hommes , plufieurs femmes & quelques enfans. Ils s’étoient mis en route pour s’éloigner du feu de la guerre. Je fus prévenu par eux que, lorfque j’aurois franchi la montagne , je trouverois encore plufieurs habitations défertes ; ils m’expliquèrent comment les propriétaires de ces habitations éparfes, s’étoient affemblés dans une feule pour être en force contre l’ennemi; mais que leur parti étoit pris d’abandonner tout-à-fait le Pays & leurs poifefîions pour fe rapprocher des Colonies Hollandoifes, attendu que les Caffres étoient à l’heure même en campagne', & juroient de n’en pas laiffer fubfiiler une feule. Je paffai la nuit en conférences de cette nature , & j’appris de ces gens tout ce que je voulus favoir. Je pouvois d’autant moins me déterminer à regarder les Caffres commes des bêtes féroces altérées de fang , qui n’épargnoient ni l’âge, ni le fexe , ni leurs voifins , que je connoiffois affez bien les Colons pour fufpe&er leur fo i , & rejeter fur eux une partie des horreurs dont ils affecloient fanS ceffe de fe plaindre. Et pourquoi mêler dans ces guerres affreufes, un peuple aufîi doux que le Hottentot, & qui mène une vie à la fois fi paifible & fi précaire, s’il n’y avoit pas eu dans le reffentiment des Caffres, une caufe cachée bien digne de toute leur vengeance ? Le Caffre lui-meme n eft point un Peuple méchant. Il vit, comme tous les autres Sauvages de cette partie de l’Afrique, du fimple produit de fes beftiaux, fe nourrit de laitage , fe couvre de la peau des betes ; il eft comme les autres, indolent par fa nature , plus guerrier par les circonftances ; mais ce n’eft point une Nation odieufe, & dont le nom foit fait pour infpirer la terreur ; je voulus donc m’inftruire a fond des motifs & des commencemens de ces guerres atroces qui troublent ainfi le repos des plus belles contrées de l’Afrique. Ces bonnes gens qui s’étoient livrés à moi . avec tant de confiance , s ouvrirent également fans réferve. Ils m’apprirent ,en effet, que les vexations & la cruelle tyrannie des Colons étoient l’unique caufe de la guerre, & que le bon droit étoit du côté des Caffres ; ils m’apprirent que les Boflifmans, efpèce de vagabons déferteurs, qui ne tiennent à aucune Nation, & ne vivent que de rapines, profitoient de ce moment de trouble pour piller indiftincfement & Caffres & Hottentots & Colons ; qu’il n'y avoit que ces miférables qui euffent pu engager les Caffres à comprendre dans la profcription générale tous les Hottentots , qu’ils regardoient comme des efpions attaches aux Blancs, & dont ceux-ci ne fe fervoient que pour leurs tendre des pièges plus adroits : ce dernier trait n’étoit pas dénué de fondement , mais ne pouvoit, dans aucun cas, s’étendre aux Hordes les plus éloignées. Ainfi l’innocent fuivoit le fort du coupable. Eh! comment des Sauvages euffent ils été capables de faire d’eux- mêmes une diftinélion que les Peuples civilifés ne font pas ! Ils m’apprirent enfin que les Caffres s’étoient procuré quelques armes à feu, enlevées dans ces habitations ravagées, ou dérobées à ces Hottentots-Colons furpris à la découverte. Je fus inftruit enfin , dans le plus grand détail, de tout ce qui s’étoit paffé , des attaques , des combats qui s’étoient donnés , & dans lefquels, tout en faifant de grands ravages , les Caffres cependant «voient toujours eu le deffous ; ce qui ne me’ parut pas étonnant; la Sagaye , leur arme ,1a plus meurtrière , & qu’ils manient avec la plus grande adreffe, ne fauroit fouteair la com- T i j


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