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étoit indifpenfable de tenir allumés en divers endroits , dans la crainte d’être furpris , foit par les Caffres, (oit par les Lions qui derenoient très-communs dans ce Canton. Nous y reliâmes juf- qu’au 20. Les vivres commençoient à manquer ; j ’eus le bonheur de tuer trois Buffles & deux Bubales. Les bords du ruifleau me procurèrent quelques Pintades abfo- lument femblables à celles d’Europe; en les faifant bouillir longtemps, elles étoient très-bonnes; mais rôties ou fur le gril, on né pouvoit en tirer aucun parti. Elles étoient apparemment trop vieilles ; je trouvai auffi quelques efpèces nouvelles de très-jolis oifeaux ; les Barbus, entr’autres. J’en donnerai les Planches enluminées. Nous remontâmes enfuite le Kouga dans l’ordre que nous avions obfervé jufqu’alors ; il y avoit à peine une heure que nous marchions , que mon avant-garde qui s’étoit arrêtée , m’énvoya dire qu’elle trouvoit des empreintes de pieds d’hommes; la peur leur- perfuadoit à tous que c’étoient des pieds de Caffres ; ils ne voyoient par-tout que Caffres. J’accourus ; les traces ne me parurent pas bien fraîches; cependant, comme cette découverte devenoit très-, férieufe ,■ je fentis qu’il n'y avoit rien à négliger, ni temps à per- . dre pour fe mettre en bon état de défenfe ; je fis halte ; & , tandis que tout le monde travailloit à parquer les Boeufs & à ranger le camp, fuivi de mes deux Chaffeurs intrépides , je partis encore pour aller à la découverte. Nous fuivîmes la trace pendant plus d’une heure. Elle nous conduilit dans un endroit où nous trouvâmes les relies d’un feu qui n’étoit pas encore éteint, & quelques os de mouton fraîchement rongés. Il étoit très-évident que les Sauvages qui s’étoient arrêtés là , y avoient paffé la nuit ; mais à la vue des os rongés , j’avois bien de la peine à croire que ce fuffent des Cadres, parce que cette nation n’élève point de bêtes à laine. A la vérité, il étoit poffible qu’ils en euffent ou pillé ou trouvé chez leurs ennemis. Dans l’incertitude où me jetoient mes réflexions , je réfolus de pouffer encore plus avant ; enfin, las de parcourir & de battre la campagne, voyant que ces traces nous éçartoient trop & nous jetoient dans une route oppofée à celle que nous devions tenir, nous rejoignîmes le camp. La nuit fur- vante fut affez tranquille ; mais le jour furvint avec un orage terrible; une pluie continuelle nous força de relier clos dans nos tentes, & le lendemain nous eûmes le défagrément de traverfer quatorze fois de fuite le malencontreux Kouga , qui de quart- d’heure en quart - d’heure , veooit impitoyablement nous barrer le chemin , ne nous donnoit pas le temps de nous reconnoître & fur toutes chofes faifoit danfer horriblement nos voitures fur les cailloux roulans de fan lit & les éclats de rocher qu il charioit dans fon cours. Ce manège fatigant & répété tant de fois , nous força de paffer la nuit , près d’un petit torrent appelé Drcoge- Rivicr (rivière sèche). Nos attelages étoient trop haraffés pour nous conduire plus avant; les circonllances ne nous permettoient pas non plus de fonger à faire de grandes marches. .11 falloir trop de temps, lorfque nous arrivions, pour ranger le camp , s occuper des foins & à la nourriture d’une centaine d animaux, faire bouillir les marmites pour un nombre encore plus conlidérable de per- fonnes , veiller à la fûreté de tous ces individus , faire le bois pour les feux, & les entretenir toute la nuit; ces détails deve- noient bien pénibles & pourtant indifpenfables. Ce foir là , nos chiens s’aviferent de vouloir- être nos pourvoyeurs. Le Pays étoit rempli de Pintades ; au coucher du foleil, tous ces animaux s’étoient perchés par centaines pour paffer la nuit fur les arbres qui nous e1 .ronnoient. Ils faifoient un caquetage continuel & défagréable ; mais il fervit du moins à quelque chofe . & les oifeaux mal-adroits fe décelèrent eux-mêmes ; car nos chiens, qui les entendoient, fe mirent à courir & a abboyer aux pieds des arbres. Les Pintades auroient bien voulu fuir; mais la pefanteur de- leur corps & la trop petite envergure de leurs ailes, ne leur permettant pas de prendre leur vol de deffus les arbres ; obligés pour cela de courir & de s’élancer de la terre, c’eil dans ce moment que nos chiens les attendoient au paffage, & les démontoient d’un coup de dent. Cette façon de chaffer nous procura de ces animaux en quantité , fans qu’il nous en coûtât une feule charge de poudre. Le lendemain , je voulus


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