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marchions, le bruit étoit plus diftinét, & nous vîmes les feux. Je ne pouvois me perfuader que ce fuffent des Caffres; ils fe feroient trahis eux-mêmes ; en vain l’artifice emprunte les ombres de la nuit ; il doit encore emprunter fon filence. Je me poftai dans- un embufcade , afin de les furprendre , s’ils venoient à paffer pour piller mon camp; & je détachai deux de mes gens, pour aller à la découverte ; ils revinrent auflitôt, & m’apprirent que nous n’avions eu qu’une fauffe alarme, & que c ’étoit une Horde Hottentote qui chantoit & fe divertiffoit. Je me raffurai & fus même enchanté de cette nouvelle , qui me promettoit pour le lendemain une entrevue intéreffante. Nous gagnâmes notre gîte, & chacun fe rendormit tranquillement. De bon matin, je fus de nouveau réveillé par des ramages qui n’étoient pas moins de mon goût. C’étoient des oifeaux que je ne connoiffois point, & que je n’avois jamais entendus. Je les trouvai magnifiques. Je fus ébloui par le brillant & le changeant des Etotir- neaux-cuivrés, du Sucrier à gorge améthifte, du Couroucoucou, du Martin-chaffeur, & de beaucoup d’autres. Je vis auffi des efpèces que j’avois déjà rencontrées. Le gibier me parut auffi fort abondant-, je voyois fur-tout défiler devant moi des compagnies innombrables de Faifans & quelques Gazelles Bos-Bock. La facilité de me procurer tous ces animaux, dont je n’avois trouvé nulle part la plus grande partie, me caufa beaucoup de joie. Pendant que je m’amufois à tirer des oifeaux, je permis à mes Hottentots d’aller reconnoître & vifiter les leurs. La connoiffance fut bientôt liée avec cette Horde Sauvage ; je me rendis à mon tour auprès d’elle ; nous fumes bientôt fatisfaits les uns des autres. Leurs femrties s’habituèrent à nous apporter , tous les foirs, une grande quantité de lait. Ces gens étoient riches en beftiàux. Us me firent préfent de quelques Moutons ; ils y ajoutèrent encore une paire de magnifiques Boeufs pour mes attelages ; & , ne voulant point être en refte avec eux, je leur donnai du tabac , des briquets & quelques couteaux. Tout mon monde s’infinua infen- fiblement dans le Kraal; chacun eut bientôt fa chacune, & l’efcaj dron femelle vint fans façon s’établir avec nous pour le temps de notre féjour. - J’appris qu’à l’embouchure de cette rivière, je pourrois rencontrer des Hyppopotames; je n’en avois point encore vu ; je n’étois éloigné de la mer, que de quatre ou cinq lieues. A portée, pour la première fois , de connoître cette efpèce de Quadrupède , je me hâtai de partir. Mais la rivière étoit fi large , fes bords fe trouvoient tellement obftrués par de grands arbres , que. toutes mes peines & mes recherches furent inutiles; je paffois les journées le long du rivage; pendant la nuit, je me mettois à l’affût dans l’efpérance de les voir fortir de l’eau, pour brouter ; jamais je n’eus la fatifaâion d’en joindre ou même d’en voir un feul. En revanche l’Eléphant, & plus encore le Buffle, étoient fi communs & fi faciles à tuer, que nous regorgions de vivres; j’en fourniffois abondamment aux anciens maris de nos femmes. Mieux armé qu’eux , je faifois la chaffe uniquement pour eux; je les obligeois de toutes façons ; c’eft ainfi qu’au milieu des déferts d’Afrique, j’introduifois les ufages & les belles manières des Nations les plus civilifées de l’Europe. Qu’il me Toit permis de remarquer, en paffant, que, fi quelques hiûoriens ont donné aux Hottentots le caraûère de la jaloufie , ceux-ci du moins n’étoient point fenfibles à cette cruelle paffion. Si je rencontre, dans la fuite, quelques peuplades qui connoiffent fes atteintes, je le dirai avec une égale véracité. Mes façons engageantes m’avoient gagné la confiance & l’amitié de.ces bons Sauvages; ils avoient de moi une fi haute opinion, qu’ils n’entreprenoient rien fans me confulter. Un jour , ils vinrent fe plaindre des Hiennes du Pays , qui défoloient & ravageoient leurs troupeaux ; j’ajoutai d’autant plus de foi à leurs difeours , que je venois d’avoir moi-même un de mes Boeufs dévoré par ces animaux. Enchanté de faire cette chaffe avec eux , je leur affignai jour pour le lendemain ; dès le matin , je les vis arriver tous à ma tente ; ils étoient au moins cent hommes bien armés d’arcs & de flèches. J’y joignis tous mes chaffe tirs; & , me mettant à leur tête , nous battîmes, avec nos chiens, tout le Pays. J’avois


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