avions fi long-temps admirées ; tout le revers de fa chaîne étoit hideux, pelé, fans aucun arbre, fans aucune apparence de verdure. Une autre chaîne parallèle à celle-ci fembloit porter a regret quelques plans chétifs & contournés de ce bois qu’on nomme Wage-Boom. C’eft cette chaîne qui, refferrant beaucoup ce Pays, & n’en faifant qu’itne gorge interminable , lui a fait donner le nom de l’Ange-Koof, vallée longue. Mon intention étant de tirer au Nord , je fis fept heures de marche , en longeant cette vallée maudite , & nous traverfâmes de nouveau le Queur-Boom ; cette rivière n’eft ici qu’un médiocre ruiffeau ; mais, deux mois auparavant, elle m’avoit bien fait trembler , lorfqu’à fon embouchure pour aller chercher mon Balbuzard , je m’y étois lancé avec trop de précipitation, & avois failli de m’y noyer. Continuant toujours notre marche avec trifteffe , après quelques campemens non moins ennuyeux, & vingt-deux heures de marche, je paffai une autre rivière encore qui porte bien fon nom, le Krotn-Rivier f ia rivicre courbe). Elle fait tant de tours & de détours, que nous la trouvions fans celle fur notre chemin. Je la traverfai dix fois. A mefure que nous avançions, les deux chaînes de montagne paroiffoient fe rapprocher exprès, & le Pays fe rétrécilfoit confidérablement; la vallee netoit prefque plus qu’une ravine marécageufe , qui, pendant fix grandes lieues, donna beaucoup de peine à mes Boeufs; nous revîmes encore une fois le Krom-Rivier; mais ce fut pour la dernière. Il prenoit fa route vers l’Eft où il va fe jeter à la Mer ; & nous tournâmes enfin tout-à-fait au Nord. J’abandonnai là un de mes chevaux malade-, à qui il n’étoit plus pofiible de nous fuivre. Je ne voulôis pas m’arrêter pour une cure qui peut-être n’eût pas réiifli ; je penfai qu’il étoit plus fimple de lui lailfer a lui-meme le foin de fa confervation. Le l’Ange-Kloof a , dans fa longueur, quelques miférables habitations qui reffemblent moins à la demeure des hommes , qua des tanières d’animaux. On y nourrit un peu de bétail. Lorfque le vent d’Eft vient frapper ces Contrées fauvages, le froid y eft exceflif ; je Fai fenti depuis le premier jour jufqu’au dernier. Nous avions, tous les matins, de la glace & des gelées blanches. Je ne fçais pas combien cette vallée de défolation a de longueur pré- cife ; mais je fuis fûr d’avoir employé quarante-fix heures de marche pour la traverfer. Après m’être avancé fept à huit lieues , je franchis la Diep- Rivier (la rivière profonde); & , dix lieues plus loin, le 7 Août, nous campâmes fur les bords de celle du Gamtoos. Elle tire fon nom d’un infortuné Capitaine qui, dans une tempete, avoit fait nauffrage à fon embouchure. Une demi-heure avant d’arriver , il nous avoit fallu defcendre encore une montagne fort efcarpée, & très-dangereufe ; deux de mes Boeufs y furent éventrés. Je dus cette perte à celui de mes gens qui conduil'oit la deuxième voiture, & s’en étoit imprudemment écarté. Combien nous fûmes dédommagés à l’afpeû de ce Pays brillant & nouveau, de l’ennui que nous éprouvions depuis plufieurs jours au milieu des chemins déteftables, & des glaces de la vallée de l’Ange-Kloof. Le premier jour de mon campement, vers le milieu de la nuit, couché dans ma tente, mais ne dormant pas encore, je crus entendre un bruit qui n’étoit pas ordinaire ; je prêtois l’oreille avec attention; je ne m’étois point trompé; c’étoient des cris & des chants qui ne me paroiffoient pas venir de fort loin ; j’appelai auflïtôt mes gens qui me dirent qu’ils entendoient aufli un bruit confus ; mais étoient-ce des Hottentots, étoient-ce des Caffres? Je devois redouter ceux-ci ; non qu’ils foient , comme d’ignorans Ecrivains les. dépeignent plus altérés de fang humain que les autres Sauvages, mais parce que les traitemens odieux que leur font effuyer les Colons, les portent davantage à la guerre, Sc que la 1 vengeance eft de droit naturel. Je rapporterai bientôt plufieurs faits qui prouveront mieux que de vains raifonnemens , lequel eft le barbare d’un Sauvage , ou d’un Blanc. C’étoit affez de cette couleur, pour être confondu parmi les viûimes de leur colère. Je fis mettre tout mon monde fous les armes, & nous nous éloignâmes du camp. A mefure que nous Qii
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