chagrins & me confoler du retard que j’éprouvois dans ma route. Nous plantâmes donc le piquet à cet endroit même. Dans le nombre de mes Hottentots, j’en avois un qui, dans fa jeuneffe , avoit voyagé jufques-là., avec fa horde & fa famille qui n’en étoit pas éloignée jadis. Il en avoit encore une connoiffance Superficielle ; je le choifis avec quatre autres bons tireurs; & , après avoir mis ordre à mon camp, nous partîmes tous lix munis de quelques provisions, Si Suivîmes les traces que nous ne perdîmes pas un feul inftant de vue. Elles nous conduilirent à la nuit, fans que jufques-là nous euffions rien vu autre chofe. Nous foupâmes gaiement , nous invitant les uns les autres à ne pas trop regretter les douceurs du camp ; & , après avoir fait un grand feu , nous nous couchâmes autour, fur la terre refroidie & dure. Quoique chacun de nous eut affeété d’infpirer à fes Compagnons des fentimens de patience & de courage, un mouvement d’inquiétude & de crainte nous tourmentoit également , & perfonne ne jouit d’un fommeil paifibie. Au moindre fouffle, au plus léger bruiffe- ment d’une feuille , nous étions aux écoutes, & bientôt fur nos gardes. La nuit s’écoula dans ces petites agitations ; dès la pointe du jour , j’excitai les dormeurs avec mes cris; leur toilette ne fut pas longue , un verre d’eau de vie leur rendit cette première .épreuve plus douce, & leur fit oublier mon brufque réveil-matin. Nous reprîmes bientôt la trace. Cette fécondé journée s’écoula triftement & ne fut pas plus heureufe que la première. Le foir , nous répétâmes les cérémonies de la veille , avec cette différence que, plus enhardis peut-être , ou même plus confians , nous efpé- jrions qu’un fommeil non interrompu nous repoferoit un peu de nos fatigues, & ferviroit du moins, à nous rafraîchir. Mais nous fûmes troublés par une alerte un peu vive. Il y avoit à peine une heure que mes Hottentots dormoiènt, étendus auprès de notre feu„ lorfqu’un Buffle', attiré par la lueur, s’approcha de tout près. Comme jl craint l’homme , iLne nous eut pas. plutôt aperçus que., iaifi d’épouvante, il s’éloigne à l’inftant. Le -bruit qu’il fait en reculant précipitamment dans les brouffaillés, les déchirant pour nous nous échapper, nous éveille. Je faute trop tard fur mes armes; il avoit difparu. Nous fîmes la ronde, pendant une heure , tirant des coups de fùfil au hafard , & nous revînmes près du feu. Enfin le troifième jour fe leva plus orageux. Je raconterai cette hiûoire en détail ; car elle me revient fouvent à l’efprit ; & maintenant que le feu de la jeuneffe a fait place à des projets moins téméraires, à des idées plus tranquilles, ce fouvenir m’anime & me fait frémir encore. Nous ne perdions pas un feul moment de vue la trace de n os animaux ; après quelques heures de fatigues & de marches pénibles au milieu des ronces , nous parvînmes à un endroit du bois fo r t découvert. Dans un efpace affez étendu, il n’y avoit que quelques arbriffeaux & du taillis. Nous arrêtons. Un de mes Hottentots , qui é toit monté fur un arbre pour obfersver, après avoir jeté les y e u x de tous c ô té s , nous fait f ig u e , en mettant un doigt fur la b o u ch e , de refier tranquilles ; il nous indique , avec la main qu’il ouvre & ferme plufieurs fo is , le nombre d’Eléphans q u il aperçoit, lld e fc en d ; on tient co n fe il, & nous prenons le deffous du v e n t , pour approcher fans être découverts. Il me conduit fi p rè s , à travers les brouffaillés , qu’il me met en préfence d’ un de ces énormes animaux. Nous nous touchions pour ainfi dite ; je ne l’apercêvois pas ! non que la peur eut fafciné mes yeux.; il falloir bien ici paye r de fa perfonne , & fe préparer au danger : j’étois fur un petit tertre au-deffus de l’Eléphant même. Mon brave Hottento.t avoit beau me le montrer du d o ig t , & me répéter vingt fois d’un ton impatient & p reffé, l e v o i l a !... m a is l e V O IL À !.. Je ne le v o y o is tou jours point ; .je portois la vue beaucoup plus lo in , ne pouvant imaginer que ce que j’avois à vingt pas au-deffous de m o i , pût être autre chofe qu’une portion de rocher , puifque c e tte maffe étoit entièrement immobile. A la fin cependant un léger mouvement frappa mes regards. L a tête & les défenfes de l'animal qu’effaçoit fon énorme corps fe tournèrent avec inquiétude vers moi. Sans plus perdre de temps , & mon avantage en belles contemplations , je pofe v ite mon gros fufil fur fon p iv o t , & lui lâche mon coup au milieu du front. Il tombe mort. Le bruit en f i t , fur Tome I. O
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