Page 62

27f 81

rochers qui ne laiffent aucune communication avec lui. Les terres font vigoureufes & fertiles. Des eaux fraîches & limpides arrivent de tous côtés des montagnes de FOueft. Ces montagnes , couronnées de bois fuperbes , fe prolongent jufqu’au baffin par des retours & des linuofités qui préfentent cent bocages naturellement variés, & plus agréables les uns que les autres. C’eft fur ces bords que je trouvai beaucoup de petits Hérons blancs de la même efpèce que ceux qui font envoyés de Cayenne , & que j’avois vus dans ma jeuneffe à Surinam. J’y découvris aulîi la grande Aigrette ; mais elle y étoit plus rare. Les bois fourniffent en abondance du menu gibier, du Buffle & quelquefois des Eléphans. On voit éparfes, à de longues diflances, deux ou trois miférables habitations réduites au trille & pénible commerce du bois & du beurre avec le Cap. Je demeurai dans ce beau Pays jufqu’au 13. Nous traversâmes, par des chemins déteftables, une forêt nommée U Poort. De là , en fept heures de marche, nous nous rendîmes à la rivière le Wittc- Dreft. Je vis encore, en divers endroits, deux ou trois habitations non moins chétives & maigres que les autres, l’éloignement, les difficultés invincibles pour ces malheureux Colons, & les rifques de l,a route ne leur permettant que très-rarement de conduire au Cap quelques Boeufs qui y arrivent toujours en mauvais état , & font par conféquent mal vendus & plus mal payés. A mon paffage, plu- fieurs de ces habitans n’avoient pas mis les pieds au Cap depuis nombre d’années. J’avançois toujours ; mais, foit que les fatigues & les .traverfes multipliées que je venois d’éprouver coup fur coup euffent un peu dérangé ma fanté , foit que je duffe payer le tribut à ces nouveaux climats, & que leur température eût agi fur moi fortement, je fus foudain frappé de maladie & de l’idée cruelle que je lailferois mes cendres à deux mille lieues de ma famille. Mon imagination trop ailive s’exagéra ce malheur ; je laiffai mon ame s’abattre & fe décourager. La plus noire mélancolie vint s’emparer de mes fens, & je me vis en effet arrêté. J’éprouvois des maux de tête violens, une pefanteur extraordinaire, un mal-aife général qui m’annonçoit E N A F R I Q U E . de preffans dangers. C’étoit l’unique malheur que j’avois redouté en partant. Je fentis qu’il étoit à propos d’enrayer , afin de me raffeoir , & je pris enfin mon parti ; la maladie la plus férieufe devoit là , tout auffi bien qu’au milieu des fourrures doélorales, prendre un cours heureux , ou finir par la mort. Je me traînai donc comme je pus , & vilitai promptement les environs. Le voifinage d’un petit ruiffeau m offrit un emplacement heureux pour mon camp ; j’y fis dreffer mes tentes a la lifière d un bois. Je ne connoiflbis de la médecine-pratique que la diète & le repos ; mes gens n’en favoient pas davantage ; j’allois, entre leurs mains, courir de trilles hafards, fi la maladie empiroit. L accablement furvint & me força de relier couche dans mon chariot. La chaleur du Soleil en faifoit une fournaife ardente. D’horribles douleurs me déchiroient les entrailles. Une dyffenterie cruelle fe déclara; j’entendis, à leur tour, mes gens fe plaindre l’un après 1 autre du même mal. J’imaginai alors que nous devions cette efpece d épidémie à la grande quantité de poiffon falé que nous avions mange. J’ordonnai fur le champ qu’on brûlât la provifion qui nous reliait ; la fièvre me confumoit par degrés ; mais je ne perdis point entièrement les forces. Après douze jours d’une tranfpiration abondante , le repos & la diète en effet me rétablirent ; je pris de 1 exercice avec modération ; je tranquillifai ma tête , & me trouvai de jour en jour mieux portant. Le même régime rétablit tout mon monde. Je ne manquai point d’ajouter à la lilte des grandes & fublimes découvertes de la médecine les bains de chaleur , & j’ai toujours penfé que ces bains ou le hafaçd m’avoient fauvé la vie. Après mon parfait rétabliffement, je repris de nouveau mes occupations ordinaires ; l’exercice & la chafle. Dès ma première courfe, je reconnus que nous étions flanqués d’une fécondé rivière, le Queur-Boom. Elle tombe des montagnes de l’Oueft, & reçoit le Witte-Dreft une lieue avant d’arriver à la mer. Son embouchure eft à côté d’une Baie connue des Navigateurs fous le nom de baie l’Agoa. Dans un Voyage que fit, de ce côté , le Gouverneur du Cap , Blettenberg, il voulut qu’on gravât , lar une colonne de pierre, fon nem, l’année & le jour de fon arrivée. J’examinai ce


27f 81
To see the actual publication please follow the link above