J accourus à tout ce vacarme ; malheureufement je n’étois armé que de mon fufil à deux coups. Il n’étoit pas à préfumer qu’une balle ordinaire pût tuer le Buffle ; j’ofai cependant l’approcher & le tirer. A ce premier coup , il quitte la place; &, furieux, il vient droit à moi ; ma fécondé balle le frappe auffitôt & l’intimide ; il rebrouffe chemin, & , pafTant a cote d un Boeuf qui portoit notre ctiiflne , il décharge toute fa colère fur ce paifible animal, l’atteint au ventre de deux ' coups de corne & difparoît. Il n’y eut pas moyen de faire relier plus long-temps la compagnie dans cet endroit. Les maris craignoient beaucoup pour leurs femmes ; à leur air pétrifié , je jugeois affez qu’ils éntroient pour quelque chofe dans ces tendres alarmes ; je leur confeillai de retourner à notre première pêcherie, fur le bord de la mer. La fortune avoit changé; nous eûmes la fatisfaélion de prendre une fi grande quantité de poilfons que j’en fis faler & remplir mes futailles. M. Mulder imita mon exemple ; cette pêche , qui dura huit jours entiers, & les occupations qu’elle nous donnoit, nous amusèrent en effet beaucoup plus que je ne m’y étois attendu. Je faifois bien, à la vérité, de temps en temps, quelques abfences & je tuai plufieurs oifèaux rares ; mais je n’eus pas occafion d’avoir à lutter contre un fécond Buffle. Nos falaifons achevées, nous partageâmes les provifions, & l’on fe fépara; je ne qtfittois point fans regret ces honnêtes Colons : ils avoient aporté dans cette jolie fête une humeur fi Ample , fi naïve & fi douce ! Je fuivis de l’oeil leur petite caravane , & ne partis qu’après l’avoir tout à fait perdue de vue. • De retour à mon camp, je trouvai tout en ordre , mes bêtes foignées & mes gens à leur devoir. Je leur en témoignai ma fatis- faition. J’avois remis à M. Mulder tousdes animaux apprêtés depuis mon dernier envoi , ainfi que les Touracos vivans que j’avois pris aux pièges ; il me promit de les faire paffer à M. Boers au Cap. Il eut aufîi la complaifance de me céder un de fes filets, & m’envoya une paire de roues que je lui avois dèmandées. Ma charrette étoit fort incommode , & menaçoit toujours de renverfer ; je réfolus de faffeoir comme les deux autres. C’étoit un ouvrage preffant ; on s’en s’en occupa ftir le champ ; chacun mit la main à l’oeuvre. Le bois néceffaire polir cette opération fut bientôt façonné ; en moins de quinze jours, notre charrette, transformée en chariot , joua fur quatre roues. Ce chariot n’étoit pas de main de maître ; mais il fervit tout autant ; au relie la quinzaine ne fut pas uniquement employée à fa conftruâion ; lorfque je m’aperçus qu’il alloit fon train & que mes Charrons en viendroient à leur honneur, je détachai une partie de mon monde, & l’envoyai réparer, près du torrent que nous étions fur le point de traverfer, les chemins & les ravines que les eaux avoient dégradés. J’avois fait porter des pierres & de groffes branches d’arbres, pour combler les fondrières qui, fans cette précaution, auroient déboîté, peut-être même rompu , mes voitures; lorfqu’à force de ces corvées pénibles nous fûmes parvenus à adoucir les paffages, le trente Avril, je fis défiler devant moi ma caravane; & , jetant un dernier coup-d’oeil fur le délicieux hermitage de Pampoen- Kraal, je le quittai avec plus de regret qu’un amant ne fe fépare de fa maîtreffe. Depuis, j’ai demandé, plus d’une fois, des nouvelles de ce charmant alÿle, & j’ai eu la fatisfaâion d'apprendre que non-feulement il avoit été refpeélé, mais que les Hottentots lui avoient donné mon nom. Malgré toutes mes précautions, nous eûmes beaucoup de peine au trou de Kayman, ainfi qu’à la rivière que les Hottentots nomment en leur langue Krakede-Kau; ce qui lignifie le Gué des Filles; ce pays étoit autrefois habité par des Hottentots qui font aâuel- lement anéantis ou difperfés de côtés & d'autres. Les grandes foffes quon rencontre de diftance en diftance annoncent qu’ils étoient chaffeurs , & qu’ils attrappoient , dans leurs pièges , des Buffles & des Eléphans qu on ne voit plus , ou très-rarement , . dans ce quartier. Après huit heures de marche, nous arrivâmes près de la Swartei rivier ( la rivière noire) ; elle étoit encore débordée par les pluies, & nous fûmes obligés de la paffer fur des radeaux que nous conf- truisîmes à l’inllar dé ceux que nous avions déjà précédemment laits; des traces de Buffles toutes fraîches nous firent féjourner à l’autre kord, & ‘j’eus enfin le plailir d’en tuer un; leHottentot que Tome J, jyj
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