tous côtés par des efelaves qui n’ont d’autre emploi ; ce qui coûte au moins le double de ce qu’on paye le plus beau bois dans les chantiers de Paris. Croira-t-on, par exemple, que les directeurs de la Compagnie; pour fon propre fervice, font partir tous les ans d’Amlterdam, des Navires chargés de planches , de bois quarré de toutes les efpèces pour les envoyer à plus de deux mille lieues , dans un Pays qui voit croître des forêts immenfes , & les plus beaux arbres du monde. Au relie, ces abus n’ont rien qui doive étonner. La Compagnie fournit gratuitement au Gouverneur & à fes Officiers tout le bois dont ils ont befoin. On le leur livre dans leurs hôtels fans aucun frais ; le Gouverneur n’a donc aucun intérêt perfonnel qui l’engage à étendre jufques-là fes vues d’adminillration, & à détruire cet abus fi contraire au foulagement de la Colonie. Tout le pays d’Auteniqua, depuis la chaîne de montagnes jufqu’à la mer , eft habité par plufieurs Colons qui élèvent quantité de beitiaux »font du beurre, coupent du bois de charpente , ramaffent du miel, & transportent le tout au Cap. J’étois en quelque forte indigné de voir des gens qui ont le bois a leur portée, en débiter pour le commerce, & n’avoir pas le courage de fe bâtir pour eux-mêmes des maifons logeables. Ils habitent fous de mauvais halliers enduits de terre. Une peau de Buffle attachée par les quatre coins à autant de poteaux, leur fert de lit ; une natte ferme la porte, qui ell en même temps la fenêtre ; deux ou trois chaifes démembrées, quelques bouts de planches, une manière de table , un miférable coffre de deux pieds en quarré , forment tout le garde - meuble de ces vraies tanières. C’efl akifi que l’image de la mifère profonde contrafle défagréablement avec les charmes de ce paradis terreflre ; car la beauté des lieux que j’ai crayonnés plus haut fe prolonge au-delà même d’Auteniqua. Au furplus, ils vivent fort bien. Ils ont en abondance le gibier & le poiffon de mer, & jouiffent exclufivement à tous les autres cantons des Colonies de l’agrément d’avoir, toute l’année , fans interruption, des légumes & des plants de toute efpèce dans leurs jardins. Ils doivent ces précieux avantages à l’excellence du fol- & aux arrofetnens naturels des petits ruiffeaux qui fe croifent en mille fens divers, & mettent, . pour, ainfi dire,.a contribution les quatre failons pour le fertilifer : c’efl la Limagne d’Afrique. Ces arrofemens , qui ne tariffent jamais,-n’ont pas lieu dans ce Pays de prédileftion fans une caufe connue. Ce font les hautes montagnes couvertes de forêts à l’Oueil qui arrêtent les nuages & les brouillards , que le vent d’Eft enlève à la mer; ce qui leur procure des pluies très-fréquentes. Il entra dans mes vues de demeurer quelques jours chez le Commandant , & c’efl ici la feule fois que je me fois écarté de mon plan. Mais , outre les raifons particulières qui m’àttiroient chez lub des raifons de po litique m’y retinrent & je ne pouvois m’exeufer avec décence. On avoit envoyé par-tout l’ordre de me laiffer palier, de m’aider , & de me fournir tous les fecours dont j’aurois befoin. M. Mulder , comme occupant le dernier polie , avoit reçu de plus.vives inflances que les autres; je cédai a fon delir. Le motif honnête de fon procédé m’invitoit affez, & peut-être comptoit-il lui-même fur le bon témoignage que rendroit de lui ma reconnoiffance lorfque je ferois de retour au Cap. Je me mis , dès mon arrivée , félon ma coutume , en devoir de parcourir le terrein. En vifitant les bois , je tombai fur des pas de Buffles & d’Eléphans, qui me parurent affez frais. Je vis de leurs fumées ; j’aperçus auffi un grand nombre de différens oifeaux que je n’avois point encore rencontrés, entr’autres des Touracos; il n’en falloit pas tant pour m’arrêter dans ces environs : à quatre ou cinq lieues de la demeure de M. Mulder, je trouvai, fur la lifière d’une forêt, un endroit tout-à-fait avantageux & commode pour placer un camp. M. Mulder fe préparoit à partir pour le Cap. Il me céda une vingtaine de livres de poudre ; je profitai auffi de l’ocçafion pour écrire à mes amis, & pour envoyer à M. Boers une centaine d’oi- feaux avec un coffret d’infeétes. J’augmentai mon train de quelques Boeufs; j’enrôlai encore trois Hottentots ; je fis emplette d’un jeune cheval de courfe que je me propofbis de dreffer moi-même à la chaffe; & , le 9 Février, je faluai M. Mulder & Mmt la Commandante,
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