ce Pays, on rencoritroit quelquefois des Eléphans & des Buffles. Je battis fur le champ les montagnes & les forêts ; ce fut inutilement ; ni mes gens ni moi ne pûmes rien découvrir. Je reconnus bien, à la vérité , quelques empreintes de pieds d’Eléphans ; mais elles étoient anciennes, d’où j’augurai ce qu’on m’apprit en effet par la fuite, que fi le hafard amène quelquefois un de ces animaux dans le Pays , les Habitans alors s’attroupent & l’obligent à gagner le large , lorfqu’ils ne réuffiffent pas à le tuer. Le 7 , à cinq heures du matin, je quittai la baie Moffel pour traverfer à une heure après midi la rivière nommée Klein-Brak'% elle prend fa fource dans un bois adoffè à une chaîne de mon-; tagnes qui, dans cet endroit, n’eft guèrcs qu’à une lieue de la mer. Le lendemain , nous arrivâmes à la grande rivière du même nom , & qui n’en eft éloignée que de trois lieues ; le flux rend cette rivière faumache ; pour la traverfer fans dommage, nous fûmes obligés d’attendre la marée motte ; dans l’intervalle » je me procurai plufieurs oifeaux de mer; ils étoient en abondance dans le canton; j’y trouvois par milliers des Pélicans & des Phoenicoptères ou Fla- mans. La couleur rofe Foncée des uns & le blanc mat des autres préfentoient à l’oeil un mélange tout-à-fait neuf & curieux. En quittant la rivière, nous avions à gravir une montagne difficile & fort efcarpée ; elle m’effrayoit un peu. A force de patience; de foins & de temps, nous la laiffâmes derrière nous. Nous fûmes bien dédommagés de nos fatigues par le fpeflacle qui vint frapper nos regards , lorfque nous eûmes entièrement gagné fon fommet. Nous admirâmes le plus beau Pays de l’univers. Nous découvrions dans le lointain la chaîne de montagnes couverte de grands bois qui bornent la vue du côté de l’Oueft ; fous nos pas nous plongions fur une vallée immenfe ; relevée; par des collines agréables, qui varient à l’infini» & moutonnent jufqu’à la mer. Des prairies émail- lées & les plus beaux pâturages ajoutoient encore à ee fite magnifique. J’étois vraiment en extafe. Ce Pays porte le nom d’Autmiquoi, ce q u i, dans l’idiome Hottentot, fignifie homme chargé de miel ; en effet, on ne peut y faire un pas, fans rencontrer mille effaims d’abeilles ; les fleurs naiffent par miriadès ; les parfums mélangé* qui s’en échappent & viennent délicieufement frapper 1 odorat, leurs couleurs, leur variété, l’air pur & frais qu’on refpire, tout vous arrête & fufpend vos pas ; la Nature a fait de ces beaux lieux un féjour de féeries. Le calice de prefque toutes les fleurs eft chargé de fucs exquis, dont las Mouches composent leur miel qu’elles vont dépofer par-tout dans des creux d’arbres & de rochers. Mes gens auraient défiré de s’arrêter dans ces beaux lieux. Je craignis pour eux le féjour de Capoue; & , fans perdre de temps , je donnai l’ordre pour continuer la route, & me hâtai vers la rivière Wet-Els. Elle tire fon nom des bois qui bordent fon cours. Nous n avions fait alors que fept lieues depuis la grande rivière Saumache. . Le 9 , nous traversâmes encore plulieurs petits ruiffeaux qui , tous defcendus des montagnes, fe rendent dans l’Océan par cent canaux divers. . - Toutes les eaux de ces différentes rivières ont la couleur ambrée du vin de Madère. Je leur trouvois un goût ferrugineux. Cette couleur & ce goût leur viennent-ils de leur paffage fur quelque mine, ou des racines & des feuilles des arbres qu’elles arrofent & charient avec elles! Je ne me donnai pas le temps d’approfondir ce problème : je tpuchois au dernier pofte de la Compagnie. Nous y arrivâmes enfin après trois heures d’une marche un peu vive. J’allois donc entièrement me fouftraire à la domination de l’homme, & me rapprocher un peu des conditions de^fa primitive origine. Le fieur Mulder, Commandant, vint me recevoir , & me fit beaucoup d’amitié. 11 n’a fous lui qu’un Bas-Officier & une quinzaine d’hommes qui tous ont été ou Soldats ou Matelots fur les Navires de la Compagnie. Ce font ces hommes qui coupent le bois de charpente dont elle a befoin , & qui conftruifent les chariots defti- nés à le tranfporter ; opération abfurde ! Car fi l’on faifoit de ce bois un dépôt à la baie Moffel, une chétive batque en rendrait au Cap, par mer , en un feul Voyage, plus que les chariots n’en voiturent en trois ans. Ce feroit aflùrément une épargne confidé- rable pour la Compagnie & un bien général pour les Colonies. Ajoutez à cela que les Citoyens du Cap ne fe verroient point réduits à ne brûler que du fagotage qu’ils font ramaffer à grands frais de K ij
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