que je yivois avec plaifir de laitage, m’en envoyoit tous lés foirs un feau, que je partageois avec mes gens. Keès fentoit arriver le porteur de fort loin, & ne manquoit jamais d’aller au-devant de lui. Depuis Sweirendam jufqu’à Duy venochs , les pâturages font excel- lens , & les terres , fupérieures à' celles du Cap , produiroient du blé en abondance ; mais les Colons n’en cultivent que ee qu’il faut à ieür confommation, & c’eft uniquement en bélliaux & en beurre qu’ils commercent avec le Cap. On aperçoit bien encore quelques cantons de vignoble ; mais , comme le vin en eft mauvais , on n’en fait que du vinaigre ou de l’eau de vie qui fe débite dans la voifinage. Le vingt-fept du mois, je m’aperçus que la rivière avoit baiffé de beaucoup ; nous la traversâmes, & n’eûmes rien d’avarié ; nous en fîmes autant de celle nommée Falfe. Après fix heures de march e , & plus loin, après fept autres heures , nous arrivâmes à la rivière de Gous ou Gourits. Celle-ci nous arrêta ; il n’étoit pas poflible de la traverfer ; elle avoit la largeur de la Seine vis-à-vis le jardin du Roi à Paris. 11 falloir que de grands orages euffent inondé le Pays d’où elle couloit ; car , dans cette faifon elle n’eft ordinairement, comme les autres, qu’un ruiffeau praticable. Ses bords font garnis de grands arbres épineux (Mimofa-Nilotica ) , & l’on y trouve beaucoup de Perdrix, & notamment la grande efpèce que les Ha- bitans du Cap ont nommée Fcfants* Après trois jours de campement, ne voyant point diminuer cette rivière, & , toujours impatient de pénétrer plus loin, je ne vis qu’un moyen de nous tirer d’embarras ; je pris le parti de faire conftruire un large Radeau ; on abattit des arbres , & leurs écorces nous fervirent à faire des cordages. Que de peines cette fatale opération nous caufa ! Il fallut décharger les voitures, les démonter & les embarquer pièce à pièce. Toutes mes bêtes traversèrent à la nage ; en plufieurs voyages, mes effets, mon monde & moi, tout gagna la rive oppofée , fans le plus petit défor- dre & le moindre accident. Cette tentative, qui réuffit à merveille, me raffura beaucoup fur les fuites, & fervit encore à réchauffer mon courage. Mais l’opération nous avoit coûté trois jours entiers d’un d’un travail opiniâtre ; dès-lors , plus de chaffe, je donnai l’exemple, & charpentai comme le dernier de mes Hottentots. J’avois jugé cette précaution de s’éloigner bien néceffaire à notre falut commun ; car le rivage que nous venions de quitter étoit fi maigre & fi brûlé, qu’un plus long féjour y auroit fait périr de faim tous mes Boeufs. Les voitures remontées & bien chargées , nous continuâmes notre route, & fîmes quatorze lieues en deux jours. Je me trouvai vis- à-vis de Mojfd-Bah ( Baie au Moules), c’eft celle qui, fur les Cartes Marines, porte le nom de Baie-Saint-BUife ; l’attérage au fond eft très-difficile, à caufe des rochers efcarpés qui la bordent, & dont les bafes s’étendent un peu loin dans la mer ; mais fon côté Nord offre une petite plage où les chaloupes peuvent arriver ; les en vk rons de ce Pays font parfemés de bonnes habitations qui pourroietit être une reffource pour les Vaiffeaux qui viendroient y mouiller. Une fontaine falubre , éloignée de la mer d’environ mille pas , leur fourniroit de l’eau en abondance. Pendant mon féjour dans cette Baie, nous ne manquâmes point d’Huîtres ; elle en fournit abondamment ; nous péchions fouvent à la ligne , & ce moyen feul nous procuroit beaucoup d’excellens poiffons ; je faifois faler ce qu’on ne mangeoit pas. Nous entendions, toutes les nuits , les cris des Hiennes; elles paroiffoient furieufes. Nos Boeufs en étoient inquiétés; mais, au moyen des grands feux dont nous entourions notre camp „ elles n’osèrent approcher. A une lieue de moi, je trouvai un Kraal de quatre huttes ; c’étoit une petite famille Hottentote qui ne paffoit pas vingt-cinq à trente perfonnes ; je troquai , avec eux, quelques bouts de tabac contre des nattes que j’étois bien aife de me procurer. Je fus enchanté de la découverte, non moins à caufe du profit que j’en tirai, que de l’agréable furprife qu’elle me caufa. Je pris plaifir à les étudier long-temps dans leur paifible ménage. Ils poffédoient cinq Vaches à lait , & un petit troupeau de Moutons. Dans . la faifon des ouvrages , les hommes fe répandoient fur les habitations Voifines, o ù , par leur travail, ils amaffoieqt de quoi fe procurer du tabac, & les moyens d’améliorer leur fort. Ils m’affurèrent que , ¿ans les grands bois qui couvrent de tous côtés les montagnes dq Tome I. K,
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