7 o V O y A G E dans mon Journal les obfervatîons, les acquifitions, en un mot,leS' évènetnens de la journée. Pendant ce temps , mes Hottentots raffem- bloient mes Boeufs autour des chariots &,de ma tente. Les Chèvres, après qu’on les avoit traites, fe couchoient çà & là pêle- mêle avec mès Chiens. Le fèrviee achevé & le grand feu allumé' à l’ordinaire , nous nous plaçions en cercle, Je prenois mon thé ; mes gens fumoient cordialement leurs pipes & me contaient des hiftoires dont le naïf ridicule me faifoit rire aux éclats. Je prenois plaifir à les animer: Ils étoient d’autant moins timides avec moi que je mohtrois plus de franchife, de bonhomie & d’attention. Sou-: vent, à la vérité, plus content de moi-même j plus favorablement difpofé à l’afpeâ d’un beau foir après' les fatigues du jour, je me fentois entraîné par un charme involontaire , & cédois doucement à l’illufion. C’elt alors “que je lés voÿois difputër entr’ëux de prétentions à l’efprit pour me plaire ; le plus habile conteur pouvoit favorablement fe juger, au filence profond qui régnoit parmi nous. Je ne fais quel attrait puiffant me ramène fans eeffe a ces paifibles habitudes de mon ame! je me vois encore, au milieu de mon camp,; entouré de mon monde & de mes animaux, une plante, une flenty tin éclat dé rocher çà & là placés , rien n’échappe à ma mémoire ,• & Cé: fpeétaclë toujours plus touchant, m’ataufe & me fuit parJ tout. Quelquefois nos Converfations nous conduifoiertt fort avant dans la nuit. J’àvoüe que de Ces têtes groffières & que rt’avoierit: poiïit polies de belles éducations , il jailliffoit quelquefois des traits de fëti dont je me fentois ravi. Je leur faifois fur-tout beauëoitp de quélîions fut Kolbe & différons Auteurs ; fur leurs religions, leurs lo ix , leurs ufages. Ils me rioient franchement au nez. Quelquefois, prenant la chofe au vif, je les voÿois s’indigner , hauffer les épaü- tei-f éclater en imprécations« Je-me rappelle que, voulant, pOuï' les- ptquen âa je?U ; rabaiflhr leurs fôéultés & leur iniëlligefleë, j® les CompâtoiS à celles' qui, dans la capitale d’tin grand Pays, dans? Paris, pat exemple-, procure fans travail une fuMiïaneé brillante à un«‘ tourbe prodigiettië de1 vauriens, & quon décore du nom tnédeâe d'inOu/lrléï J&ïéüï ptëfewtois fmtsmille'fôfiiies tes reff©urcèS habiles'de ces caméléons, & rehaufiois de beaucoup leur mérite; ayec quelle fatisfaâion je les voÿois préférer d’un accord unanime la fimplicité de leur vie champêtre & douce à mes tableaux fédui- fans & regarder ces reffources comme des mottes vils mef, quins pour un Peuple qui fe yante de fa fupériorii?Tur les; Peuples de la Naturel Braves humains qu’on nous peint dévorant leurs femblables , & qu’un enfant auroit conduits ! paifibles Hottentots, couvrez-les de vos mépris ces mortels qui vous réduifent en efcla- yage , & ne vous diftinguent des bêtes que ¡par les traitemens cruels qu’ils leur épargnent pour vous en accabler ! Mes animaux étoient fi bien habitués à fe mêler parmi nous que fouvent j’étois contraint d’en faire lever plufieurs pour arriver jufqu’à ma tente. J’ayois quelques Moutons que je méoageois comme une reffource contre la difette ; mais j’en eonfervois toujours d’anr ciens pour habituer les nçuveaux-venus. Le canton que nous; habitions étçit rempli de Perdrix de .trois çfpèees. différentes., l’une, entr’autres de kgroffeur de nosi Eaifans. Ç’étoit notre nourriture ordinaire. Nous lqs mettions par vingtaine dans nos marmites ; elles nous donnoiertt d’excellens confommés & de bons bouillis, Nous trouvions, auffï; Une. efpèce de Gazelle de la grandeur de. no# Ghèvres. d'Europe , 1? peau d’un brun noirâtre êç quelques taches blanches fur la cuiffè. Je. ne eonnois point de mets plus exquis; j’en tuai plufieurs , ainfi qu’une autre efpèce plus petite , dont je donnerai la defeription par la fuite. Mon féjoiir dans cet endroit ayoit confidérablement augmenté ma CoüeÉàion, en infeâes. & oifeaux précieux. Un ¡Particulier des environs allait faire le Voyage du Gap ; il vint m’offrir fçs ferviçesi; je les acceptai avec plaifir » & le chargeai de remettre mon petit tréfor à M. le Fifcal Boers. J’etois convenu , avec ce dernier, que je lui ferois parvenir toutes mes nouveautés , lorfque les occa- fionss’en préfenieroient. Par là , je mettois, dès le commencement de mon. Voyage, beaucoup d’objets, rares à l’abri des accidens , & ménageois de la place pour les autres. Mes; voifins me faifoient de temps en temps des envois de légumes ■ou de fruits, & M,Vanwërck, plus près de mon camp , fachant
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