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défiguré la vieilleffe, & qui ue reffemble plus au portrait qu’on en fit autrefois. Il nen eft pas de même de ce que ce Voyageur fédentairs a platement avancé fur les Hottentois & les cérémonies de leur Religion; fi ce qu’il en dit a exifté, il faut bien que l’efprit phi- lofophique qui plane impérieufement fur l’Europe , ait un peu rafraîchi 1 air brûlant des climats Africains ; car je n’y ai vu aucune trace de Religion , rien qui approche même de l’idée d’un Être vengeur & rémunérateur. J’ai vécu allez long-temps avec eux, chez eux , au fein de leurs déferts paifibles ; j’ai fait, avec ces braves Humains, des Voyages dans des Régions fort éloignées; nulle part je n’ai rencontré rien qui reffemble à de la Religion ; rien de ce qu’il dit de leur légiflation, de leurs enterremeps ; rien de ce qu ils pratiquent à la naiffance de leurs enfans mâles ; rien enfin, & fur-tout de ce qu’il fe plaît à détailler, de la ridicule & dégoûtante cérémonie de leurs mariages. On na point oublié au Cap le féjour de cet homme dans la Colonie. On fait qu'il n’avoit jamais abandonné la Ville, & cependant il parle de tout avec l'affurance d’un témoin oculaire. Ce qui n’eft pas douteux néanmoins, c’eft qu’après dix années de réfidence, n ayant rien fait de ce qu’on l’avoit chargé de faire, il trouva plus prompt & plus commode de ramaffer tous les ivrognes de la Colonie qui, fe moquant de lui en buvant fon v in , lui dictaient fes Mémoires de taverne en taverne , lui eontoient à qui mieux-mieux les Anecdotes les plus abfurdes, & l’endoflrinoient jufqu’à ce que les bouteilles fuffent vides. C’eft ainfi que fe font les découvertes pouvelles, & que s’étendent les progrès de l’efprit humain! VOYAGE V O Y A G E A l'Eft du Cap, par la terre de Natal & celle de la Cafririe. L e s différens préparatifs de mon Voyage touchoient a leur terme ; j’ en fis affembler toutes les provifions éparfes : elles étoient confidé- rableS ; car, dans cette première effervefoence qui tranfporte 1 imagination au-delà des bornes ordinaires , je ne m’étois point donné de limites & n’en connoiffois pas ; réfolu au contraire de pouffer en avant le plus loin & le plus long-temps qu’il me feroit poflible, je ne favois fi le retour feroit en mon pouvoir comme le départ; mais je voulois fur-tout m’épargner le cruel défagrément dêtre contraint de m’arrêter par la privation des chofes indifpenfables. Ainfi, jufqu’aux objets qui ne paroiffoient pas avoir un but d’utilité bien dirett, je n’avois rien négligé, de ce qui pou voit être nécef- faire à ma confervation dans les circonftances imprévues , & je craignois toujours d’avoir à me reprocher quelqu’oubli préjudiciable. Les trois mois paffés au Cap ou dans les environs depuis mon retour de la baie de Saldanha avoient à peine fuffi à ces différens apprêts. J’avois fait conftruire deux grands chariots à quatre roues, couverts d’une double toile à voiles , cinq grandes caiffes rempliffoient exaûement le fond de l’une de ces voitures, & pouvoient s’ouvrir fans déplacement. Elles étoient furmontées d’un large matelas fur lequel je me propofois de coucher durant la marche , s'il arrivoit que le défaut de temps ou toute autre circonftance ne me permît pas de camper ; ce matelas fe rouloit en arrière fur la dernière caiffe , & c’eft là que je plaçois ordinairement un cabinet ou caiffe à tiroirs deftiné à recevoir des Infeétes, Papillons & tous les objets un peu fragiles, & qui demandoient plus de ménagement. J’avois fi bien réufii dans la conftruêlion de cette caiffe ; mes Colleûions s’y étoient fi bien confervées, 8c arrivèrent en fi bon état que , pour l’utilité des Naturkliftes qui s’occupent de cette Tomt 1. Ç


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