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Je dois ici rapporter une obfervation qui intéreffe l’Hiftoire Naturelle. Les Cailles de l’île Roben & celles du Cap n’offrent absolument qu’une feule & même efpèce , fans aucune différence qui puiffe rendre mon affertion même douteufe. Cependant la Caille au Cap eft un oifeau de paffage ; ce fait eft reconnu de tout le monde ; & , quoiqu’il n’y ait que deux lieues de l’île Roben à la terre ferme , il eft également confiant que jamais il n’y a d’émigration de ces oifeaux. Ils y font toujours auffi abondans en toute faifon. Si j’ajoute encore que les Cailles d’Europe font abfo- lument la même efpèce que ce lle -c i, ne faut-il pas en conclure que la Caille d’Europe ne paffe point la mer comme on l’a prétendu jufqu’à préfent ? Quelques Voyageurs affurent à la vérité en avoir rencontré en mer ; mais cela ne décide point la queftion ; car, à plus de foixante & dix lieues des côtes, j’ai tiré fur les vergues de mon Navire des Etourneaux , des Pinfons, des Linottes , une Chouette. Tous ces oifeaux, qu’on fait très-bien ne point paffer la mer , avoient été fans doute déroutés par quelqit^ouragan, quelque tempête violente , & je croirai toujours qu’il en étoit ainfi des Cailles qui ont été rencontrées , jufqu’à ce ,que cette partie de l’Hiftoire des oifeaux ait reçu des éclairciffemens plus pofitifs. Je fuis d’ailleurs d’autant plus porté à n’ajouter aucune foi à cette traverfée par la mer, que les Cailles-peuvent fe rendre par terre en Afrique & venir en Europe par le même chemin. Il eft très-propable que fi celles de l'île Roben n’ofent franchir le petit efpace qui les fépare de la côte, bien moins encore' oferont-elles rifquer un trajet incomparablement plus confidérable. La Caille- eft un oifeau très-lourd ; la petiteffe de fes ailes , en proportion de la pefanteur de fon corps, ne convient nullement à un vol continuel & de long cours ; eft-il quelque Chaffeur qui ne fâche pofi- tivement & d’après l’expérience, que lorfqu’un chien a fait lever une Caille trois ou quatre fois de fuite, il ne lui eft plus poffible de s’envoler, & qu’accablée de laffitude, elle fe laiffe prendra à la main ? La même chofe arrive à tous les oifeaux de ce genre. Outre la Caille commune à l’Europe & à l’Afrique, on trouve encore au Cap un oifeau beaucoup plus petit qu’on nomme auffi Caille , mais très-improprement ; car il n’a que trois doigts aux pieds , & tous trois dirigés en avant , caraûère fuffifant pour ne pas devoir les confondre. M. Sonnerat , dans fon Voyage aux Indes , décrit un oifeau du même genre , auquel il donne le nom de Caille à trois doigts. M. Desfontaines a pareillement raporté , de fon 'Voyage fur les côtes de Barbarie , un individu femblable , approchant beaucoup de celui du Cap de Bonne-Efpérance, dont il eft fans doute une variété. J’en connois deux autres beaucoup plus grands , l’un de Ceylan , l’autre de Java : j’en donnerai la defcription, & je penfe qu’il fera néceffaire d’en faire un genre neuf qui formera le paffage de la Caille à la Canne pétière, avec laquelle il tient par la conformation des doigts. Le Gouvernement envoie, tous les ans , un détachement dans l’île Roben, pour y tuer des Mors & des Manchots qu’on nomme au Cap Pingouins, On extrait l’huile de.ces animaux, comme je M déjà dit ; le Manchot fur-tout en fournit beaucoup. On voit à la pointe de Roben une petite Anfe qui peut mettre à l’abri un Vaiffeau , lorfque le Sud-Eft l’empêche de gagner la rade du , Cap. En quittant l ’Europe pour voyager en Afrique , il n’entroit pas dans mon Plan de m’appefantir fur le détail des moeurs, des ufages & coutumes des Habitans du Cap ; bien moins encore fur les formes de fon Gouvernement politique , civil & militaire. C’eft, je l’avoue , ce qui m’a le moins occupé , & ce que je décrirois avec le plus de répugnance, quand cela m’auroit en quelque forte intéreffé. J’ai mes raifons pour garder cette réferve à peu près de la même manière que le Lefteur peut 'avoir les fiennes pour être curieux ; & ni les Leûeurs ni moi n’avons befoin de les con- noître. Au refte, on peut, des rêveries même de Kolbe, extraire des faits certains qu’un féjour de dix ans à la Ville avoit mis continuellement fous fes yeux. 11 n’en a pas tant impofé fur ce point qu’on l’imagine. Son Livre contient peut-être des vérités qui n’ont plus lieu de nos jours, & font prifes pour des fables. Mais, avec le temps , les moeurs, les caraftères , lés modes, les loix , les empires même changent & varient à l’infini. C’eft un vifage qu’a


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