M. Boers qu’il étoit charmé d’avoir commis ion crime ; qu’il avoit bien lu le genre de mort qu’on lui feroit fubir; mais, que par là même, il fouhaitoit ardemment de voir hâter fa fin, puifqu’auflîtôt il fe retrouveroit dans fon pays. Je m’étonne qu’un auffi violent préjugé ne caufe point encore de plus grands malheurs. Les efclaves Créoles du Cap font les plus eftimés ; il fe payent toujours le double des autres ; & , lorfqu’ils favent quelque métier , le prix en devient exorbitant. Un cuifinier , par exemple, fe vend de huit à douze-cents Rixdaalers, & les autres à proportion de leurs talens. Ils font toujours proprement habillés ; mais ils marchent les pieds nuds en figne de l’efclavage. On ne voit point au Cap , cette infolente valetaille appelée laquais : le luxe & l’orgueil n’y ont point encore introduit cette efpèce défoeu- vrée & vile qui meuble en Europe les antichambres des riches, & porte fur toutes les tailles l’enfeigne de l’impertinence. On eft furpris, en arrivant au Cap , de la multitude d’efclaves auffi blancs que les Européens, qu’on y voit. L’étonnement ceife quand on fait que les jeunes Négreffes , pour peu quelles foient jolies, ont chacune un foldat de la garnifon avec lequel elles vont, comme il leur plaît, paffer tous les dimanches. L’intérêt du maître lui fait fermer les yeux fur le dérèglement de fes efclaves, parce qu’il compte d’avance fur le produit de ces cohabitations licencieufes. On rencontre cependant des Négreffes légitimement mariées, & des Nègres établis faifant corps avec la Bourgeoifie ; ce font des hommes qui, par leurs fervices ou d’autres motifs, ont été affranchis ; la facilité avec laquelle on leur donnoit la liberté étoit autrefois fujette à bien des abus, parce queL ces gens , devenus vieux ou infirmes ou privés de reffources pffcjltfiibfifter , finiffoient par être des voleurs & des vagabonds. Le Gouvernement s’eft trouvé forcé d’y mettre ordre ; nul maître à préfent ne peut affranchir fon efclave qu’en dépofant à la Chambre des Orphelins une fomme fuffifante pour fa fubfxftance. Ce qui entretient un certain défordre parmi les efclaves, ce qui les corrompra toujours , ce font les mauvais fujets que le Gouvernement de Batavia envoie fouvent au Cap pour en être débaraffé. Ces gens , connus fous le nom de Boudinées, font des Malais , tous pêcheurs & receleurs : fur ce dernier article , leur réputation eft fi bien établie, que c’eft toujours chez eux qu’on commence les recherches, lorfqu’un efslave a difparu, ou que des effets ont été enlevés. Il eft rare qu’un maître puniffe lui - même fon efclave ; il le met ordinairement entre les mains du Fifcal, qui lui fait adminiftrer la correâion qu’il a méritée. Si cependant un maître qui voudroit punir lui-même fon efclave le maltraitoit outre mefure , celui-ci pourroit en porter plainte ; & , fur une récidive bien conftatée, le Fifcal obligeroit le propriétaire à le vendre. Dans le cas où il l’auroit grièvement bleffé ou tué , il encourroit une peine affliiftive, ou bien feroit banni & relégué dans l’île Robert. Ces loix fages honorent certainement le Gouvernement Hollandois ; mais combien n’eft-il pas de moyens de les éluder ! L’île Robert eft à deux lieues en mer , en face de la baie de la Table à la vue de la Ville. Elle tire fon nom de la quantité de chiens marins qu’on y trouve. Cette île tout-à-fait plate a très- peu d’étendue. C’eft le Bicêtre du Cap. Elle eft foumife aux ordres d’un Caporal qui a titre de Commandant. Les malheureux qui y font relégués doivent délivrer par jour une certaine quantité de pierres à chaux qu’ils déterrent. Le refte du temps, ils pèchent ou bien ils cultivent de petits jardins ; ce qui leur procure du tabac ou quelques autres douceurs. On ne peut voir, fans en être étonné, combien dans cet endroit toutes les efpèces de légumes prennent de vigueur. Les choux-fleurs fur-tout y font des monftres en groffeur ; élevés dans le fable, leur délicateffe furpaffe encore leur énormité. Il y croit auffi de petites figues violettes , d’un parfum exquis. Les puits fourniffent dé l’eau auffi bonne que celle du Cap , phénomène affez extraordinaire pour une île auffi peu étendue & prefqu’à fleur de la mer. J’y ai vu beaucoup de Serpens noirs , de quatre à cinq- pieds de long, mais qui ne font pas dangereux. On y trouve en abondance de la Perdrix & plus encore de la Caille ; j’ai quelquefois tiré cinquante à foixante de ces oifeaux dans une matinée.
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