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Le vent de Sud-Eft les obligé fouvent à déferter la montagne f & la furie avec laquelle il fouille les précipite dans les rues du Cap où ils font affommés à coups de bâton. On y voit auflx l’efpèce de Singe Papion , & que les Hollandois nomment Bawians. On fçait qu’ils font voleurs. Ils fe répandent dans les habitations, efcaladent les jardins pour en dérober les fruits ; mais ce neft jamais avec cet appareil & ce bel ordre dont Kolbe nous a fait un conte ridicule & puérile. Quand le Ciel eft pur & ferein, on diftingue du fommet de la Table les montagnes du Piquet, éloignées de trente lieues. Malgré cette diftance , elles paroiffent encore la furpaffer en hauteur. Larfque les perfonnes qui vont pour la première fois a la montagne , font engagées dans la crevaffe , elles fe croyent affaillies par une pluie ordinaire, quoique le temps foit beau , & il pleut réellement pour elles. C’eft l’eiïet des gouttes, deau qui fuintant continuellement des, rochers fupérieurs , tombent fur ceux qui font plus bas , fe heurtent, fe divifent en une pluie d’autant plus fine qu’elle approche plus du pied de-la montagne. Cette pluie eft toujours plus abondante le matin que le refte de la journée; les fraîcheurs & les rofées de la nuit en expliquent aifément la caüfe. On rencontre dans la crevaffe ; à un tiers pu environ de fa hauteur une fuperbe nappe d’eau qui; coule fur un rocher plat très- é t e n d u . . On va de la Ville : fe promener jufqu’à cette cafcade; la rpute n en eft pas fi fort efcarp.ée que les dames même ne puif- fent fe donner la fatisfaüion d’aller y jouir d’un coup-d’oeil charmant ¡8t pittorefqued’un point de vue délicieux qui commencé à cet endroit. . . . . - C’éft mn ufage affez remarquable que dans les pays les plus chauds, les Efclavês font du feu par-tout où ils travaillent. Cela leur fert à allumer leurs, ¡pipes , à faire réchauffer ou cuire leur .néurrituré, jCèux du Cap, chargés d’aller couper du bois pour, la maiiom dé; leurs maitr.es!, vpnt quelquefois le chercher fur les revers de la Table. Le foir , en quittant l’ouvrage, s’ils négligent d’éteindre ces feux, i l s f ç ’communiquent infenfiblement de proche en croche à toutes les herbes & racines sèches; la trace gagne & s’étend de côtés & d’autres , parvient à des enfoncemens ou le bois vert & le bois fec indiftinaement s’allument & sembrafent. Ce font alors autant de fournaifes, de petits volcans qui tiennent enfemble par les cordons de feu qui les ont unis. La flamme s en échappe par tourbillons , & fe nuance fuivant que les différentes cavernes font plus ou moins profondes.. La nuit fument ; & la Ville & la R a d e & tous les environs jouiffentdun ipedacle d autant plus magnifique que la caufe en étant connue , on eft exempt de ces terreurs profondes qu’imprimeroit ailleurs un pareil phéno- mène; car la hauteur & l’étendue de cet embrafement donnent à la montagne un afped plus effrayant que les laves du Vefuve dans leur plus grande force. Je n’ai vu qu’une feule fois cette majeftueufe illumination , & je puis dire qu’elle ma jeté dans le raviffement & l’extafe. Tout ce qu’on pourroit imaginer pour éclairer les Navires à vingt lieues en mer n’approcheroit jamais de ce Phare allumé au hafard par une miférable brouffaille qu’a laiffé briller un Nègre étourdi. - Il eft impoflible d’arriver à la montagne du Diable par celle de la Table , quoiqu’elle n’en foit qu’une partie dont elle a été fé- parée, par le fommet, ou par des éboulemens fucceffifs , ou par des tremblemens de terre ; mais, on arrive aifément à celle du Lion, qui, comme l’autre , eft aufli une partie de la Table ; le fommet feul de la tête du Lion neft praticable qu’au moyen d'une corde avec laquelle on fe hiffe avec peine. C’eft de ce fommet q u ’ o n fignale les Vaiffeaux qui font en pleine mer. Il y a toujours un ferviteur de la Compagnie chargé, de tirer un coup de canon pour chaque Vaiffeau qu’il aperçoit; & , par un fignal conveifu, la Ville fait à l’inftant fi le Navire vient de l’Inde ou de l’Europe ; mais le même homme , dès qu’il a reconnu le P a v i l l o n de l’arrivant, eft obligé de fe rendre à la Ville , pour en informer le Gouvernement. Ce métier eft pénible & cruel ; il arrive fouvent que le malheureux, defcend & remonte quatre ou cinq fois par jour, ce qui l’excède de fatigue. C’e ft, comme en beaucoup de points, un viçe d’adminiftration fur lequel tous les


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